Opéra, 23 novembre
Avec cette version de concert, Giovanna d’Arco (Milan, 1845) fait une belle entrée au répertoire de l’Opéra de Marseille, même si, pour cette deuxième représentation, le public paraît un peu clairsemé.
On doit la réussite de la soirée, tout d’abord, à la direction magistrale de Roberto Rizzi Brignoli. À la tête d’un Orchestre de l’Opéra de Marseille en grande forme, avec lequel il semble faire corps, le chef italien délivre une lecture puissante de cette riche partition, dont il sait communiquer les aspects grandioses, aussi bien que les envolées lyriques et les moments plus intimes. À chaque instant, il trouve la couleur exacte et, surtout, unifie le tout dans un discours exaltant les qualités instrumentales de sa phalange, avec des pupitres solistes remarquables.
Le Chœur de l’Opéra de Marseille incarne, avec beaucoup de crédibilité, les voix célestes et infernales qui se disputent l’esprit tourmenté de l’héroïne, en coulisse, et la soldatesque anglaise ou le peuple français, sur le plateau.
La distribution, enfin, est proche de l’idéal. La soprano espagnole Yolanda Auyanet, voix ample et chaleureuse, au médium charnu et au grave profond, maîtrise à la perfection le cantabile des passages néo-belcantistes, tout comme les grandes envolées héroïques d’un rôle complexe. Surtout, elle communique à Giovanna toute l’intériorité qu’elle réclame, son mysticisme inquiet, son exaltation, là où ses partenaires restent davantage rivés à leur partition.
En Carlo VII, Ramon Vargas semble un peu tendu dans sa scène d’entrée. Pourtant, à 62 ans révolus, le ténor mexicain n’a rien perdu de ses qualités de timbre et sa voix très centrale convient idéalement au rôle, les quelques moments plus tendus ne lui posant aucun problème majeur, grâce à son excellente technique. Il se révèle, tout particulièrement, dans son grand duo avec Giovanna, à l’acte II, et sa cavatine du III lui vaut des applaudissements nourris.
La voix large et puissante du baryton espagnol Juan Jesus Rodriguez, malgré une petite tendance à forcer le volume, apporte une belle stature à Giacomo et complète harmonieusement le trio principal.
Dans le rôle plus qu’épisodique de Talbot, la basse russe Sergey Artamonov en impose par sa solidité. Quant aux quelques répliques de Delil, elles permettent au ténor français Pierre-Emmanuel Roubet de faire entendre une voix bien timbrée et une bonne articulation.
Giovanna d’Arco serait-elle en voie de retrouver une place au répertoire ? On le souhaite, tant elle peut être considérée, malgré son improbable scénario, comme une des meilleures œuvres du Verdi de jeunesse, ainsi que le compositeur, lui-même, n’hésitait pas à l’affirmer, au lendemain de la création.
ALFRED CARON