Halle aux Grains, 5 février

Quelle curieuse idée d’avoir inscrit Le Villi (Les Willis)au programme des concerts de l’Orchestre National du Capitole de Toulouse (ONCT) ! Ce premier opéra de Puccini, présenté sans succès au Concours « Sonzogno », en 1883, créé ensuite au Teatro dal Verme de Milan, le 31 mai 1884, avant d’être sensiblement remanié, au cours des années suivantes, ne manque certes ni de mérites ni, surtout, de promesses.

Certaines influences y sont manifestes, extra-italiennes, pour la plupart (Wagner ou Gounod, par exemple) ; à plus d’un moment, s’y devine aussi ce que va être bientôt le compositeur de Manon Lescaut (1893). Mais, faute d’une représentation scénique dans les règles, pourquoi avoir choisi de le donner, non point dans une version de concert traditionnelle, mais dans une sommaire mise en espace, aussi ridicule que handicapante pour les trois chanteurs solistes ?

Avec un chœur perché en fond de salle et un orchestre bien installé au centre de la Halle aux Grains, ces derniers sont amenés à se déplacer çà et là, en mimant inutilement une intrigue dont ils ne sont jamais les acteurs véritables. Entraînées dans un flux sonore qui suit son cours, leurs voix se perdent. Cela se remarque, en particulier, lors des interventions de Joyce El-Khoury, émouvante Anna qui, dans un tel contexte, ne laisse qu’entrevoir ses évidentes qualités.

Venue du bel canto romantique – on se rappelle ses enregistrements, pour le label Opera Rara, de Belisario, des Martyrs et du récital Écho, consacré à Julie Dorus-Gras –, on sent la soprano libano-canadienne bien plus fragile dans un répertoire plus tardif. Avec raison, elle ne force pas sa voix et s’interdit tout accent vériste. À défaut d’une profonde tension dramatique, on retient de son air « Se come voi piccina io fossi » ce voile de mélancolie qui lui convient également.

Alexandre Duhamel ne rencontre pas les mêmes problèmes, ne serait-ce que parce qu’il n’a pas à bouger sans cesse quand il doit exprimer, après la mort de sa fille, le désir de vengeance de Guglielmo. La voix du baryton français est franche, ardente, servie par une dynamique impeccable.

Luciano Ganci incarne, avec une belle variété d’intonations, le personnage complexe de Roberto. Au gré de son va-et-vient autour de l’orchestre,  le ténor italien sert avec bravoure un rôle difficile, avec sa longue scène au second acte, qu’il aborde avec autant de vaillance que de nuances. Son timbre aux couleurs variées, à l’énergie conquérante, sait aussi traduire le désarroi de celui qui a trahi son amour.

Le Chœur du Capitole confirme, une fois encore, son excellent niveau. À la tête d’un ONCT brûlant de tous ses feux et ne ménageant guère ses effusions sonores, Speranza Scappucci prend un plaisir évident à montrer que Puccini aurait pu être aussi un remarquable compositeur de symphonies. À une intrigue assez mince, la cheffe italienne parvient à donner un relief grandiose, en recréant les ambiances infernales de ce curieux « opéra-ballet », œuvre d’un musicien de 25 ans promis à un brillant avenir.

PIERRE CADARS


© PATRICE NIN

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