Auditori del Castell, 3 août
José Carreras arrêtera-t-il un jour de chanter ? Probablement pas, les concerts qu’il continue à donner étant indispensables au fonctionnement de la fondation qu’il a créée pour lutter contre la leucémie (Fundacion Josep Carreras, en catalan). Peralada a saisi l’occasion de son 75e anniversaire, fêté le 5 décembre dernier, pour lui rendre un hommage mérité, dont l’un des points culminants a été la remise de la Médaille d’honneur du Festival par Isabel Suqué Mateu, sa présidente.
Le Festival, en effet, doit beaucoup au célèbre ténor espagnol, comme le rappelait récemment Oriol Aguila, directeur artistique, dans les colonnes d’Opéra Magazine (voir O. M. n° 184 pp. 8-9 de juillet-août 2022) : « En 1988, c’est ici qu’il a effectué son retour devant le public, après sa leucémie. Il aurait pu choisir le Covent Garden de Londres ou le Staatsoper de Vienne… Non, il a préféré Peralada, braquant les projecteurs sur une manifestation alors toute jeune, et la faisant connaître dans le monde entier. »
J’avoue avoir été bouleversé quand José Carreras a fait son entrée, pâle, amaigri, presque frêle, dans un Auditorium de plein air bourré à craquer. Et encore davantage quand il a commencé à chanter, accompagné par l’orchestre du Liceu de Barcelone, dirigé par David Gimenez.
Certes, son programme ne comportait que des chansons et extraits de comédies musicales, les airs d’opéras étant réservés à la médiocre soprano croato-slovène Martina Zadro, « invitée » dont on se serait bien passé. Certes, les voix étaient sonorisées, et la justesse, faute du soutien nécessaire sur le souffle, n’était pas toujours au rendez-vous chez le ténor. Sans parler des interventions, totalement superflues, de la deuxième « invitée » : la toute jeune Mariona Escoda (21 ans), chanteuse de variété ayant remporté, en 2022, la première édition d’« Euforia », équivalent espagnol de « La France a un incroyable talent ».
Mais comment ne pas être sensible, chez José Carreras, à une couleur du timbre et une émotion dans le phrasé demeurées intactes ? Par instants, je me suis senti transporté près de cinquante ans en arrière, quand j’avais entendu, pour la première fois, le ténor sur le vif, en concert déjà, au Grand-Théâtre de Bordeaux. Le plus irrésistible « Nessun dorma » dont j’ai gardé le souvenir !
RICHARD MARTET