Théâtre des Champs-Élysées, 29 avril
Pour ce Jephtha en tournée européenne (sept dates), Francesco Corti dirige du clavecin Il Pomo d’Oro avec style et énergie, mais, comme dans Alcina en décembre dernier (voir O. M. n° 209 p. 81 de février), n’atteint pas tout à fait à fait la grandeur tragique de l’ultime oratorio de Haendel, avec un orchestre sonnant un peu maigre.
Le plateau est dominé par la Storgè de Joyce DiDonato. Certes, le rôle est un peu grave, mais sa façon de l’investir, musicalement et dramatiquement, fait tomber toute réserve. Elle dialogue magnifiquement avec la flûte dans l’élégiaque « In Gentle Murmurs », et délivre un « Scenes of Horror » halluciné, comme un poignant « First Perish Thou ».
À l’inverse, Jephtha convient exactement au baryténor virtuose de Michael Spyres, mais il tombe trop dans la démonstration, entre suraigus dardés, cadences graves de basse, vocalises supersoniques (« His Mighty Arm ») et prouesses de souffle (« Waft Her, Angels ») pour émouvoir et incarner le déchirement de ce père devant sacrifier sa fille.
Le soprano léger de Mélissa Petit reste aussi un peu à la surface d’Iphis, avec de jolis aigus, une certaine fraîcheur, mais aussi une expression plus placide qu’innocente, et un anglais pas assez mordant, en particulier pour les consonnes finales.
Parfaitement expressifs en revanche sont Cody Quattlebaum, au baryton vigoureux, et Jasmin White, même si le contralto chaleureux de cette dernière eût sans doute mieux convenu à Storgè. De plus, distribuer Hamor à un contre-ténor comme à la création aurait permis une plus large palette de timbres. Il en va de même pour l’Ange, confié à l’origine à un enfant, et qu’Anna Piroli sert avec une éloquence limitée et un soprano bien banal.
Enfin, protagoniste à part entière, le chœur d’Il Pomo d’oro (formé à l’occasion de Theodora en 2021) sonne, comme l’orchestre, un peu maigrelet pour des moments aussi puissants que le « How Dark, O Lord » qui clôt l’acte II. Ailleurs, si les intentions sont justes, la caractérisation manque de subtilité et l’anglais de relief.
THIERRY GUYENNE