Esglesia del Carme, 5 août
Achevant le cycle des récitals de l’été à l’Église du Carmen, Ermonela Jaho n’est pas, contrairement à Emily D’Angelo, Sonya Yoncheva et Lise Davidsen, une inconnue à Peralada. Nous l’y avons vue, à titre personnel, dans Madama Butterfly et Thaïs.
Dans un programme mêlant habilement mélodies et airs d’opéras, tirés pour l’essentiel du répertoire français et italien de la fin du XIXe siècle et du début du XXe – sans doute celui qui lui convient le mieux –, la soprano albanaise se montre sous son jour le plus flatteur. N’était le manque récurrent de résonance dans le bas médium et le grave, dont souffrent, par exemple, « Un di, ero piccina » (Iris) et « Flammen, perdonami » (Lodoletta), on pourrait même parler de sans-faute.
On admire la franchise et la puissance de l’aigu, le savant contrôle d’un souffle que l’on croirait infini, la beauté des pianissimi. Surtout, on est conquis par un tempérament et une sensibilité dans le phrasé, idéalement en phase avec des pages typiquement « fin de siècle », comme Sole e amore de Puccini et « Adieu, notre petite table » de Manon (déjà chantées par Sonya Yoncheva, trois jours plus tôt), Tristezza de Tosti ou Non ti voglio amar de Cilea.
Une chose, cependant, nous gêne. Dans l’exercice du récital, sans metteur en scène pour la contrôler, Ermonela Jaho tend à minauder, accumulant les afféteries, dans l’accent comme dans le geste, avec un résultat contre-productif, par exemple dans « Un bel di vedremo » (Madama Butterfly) ou « Io son l’umile ancella » (Adriana Lecouvreur).
À en juger par les larmes ruisselant sur ses joues, à la fin de ces deux airs, l’artiste y croit vraiment. Personnellement, cette petite geisha et cette prima donna de la Comédie-Française, surjouées comme dans un film muet des années 1910-1920, me laissent de marbre, voire m’irritent. Affaire de goût, très certainement, à en juger par l’accueil triomphal que le public réserve à ce récital, bien accompagné, sans plus, par Pantesilena Jaho, nièce de la cantatrice.
RICHARD MARTET