Maria Callas à la scène puis à l’écran, Fanny Ardant incarne à nouveau une cantatrice dans le film Couleurs de l’Incendie, adapté du roman de Pierre Lemaitre par Clovis Cornillac. Sandrine Piau prête sa voix à cette figure de lumière et de courage.
Paris, 1929. Lors des funérailles du riche banquier Marcel Péricourt, Paul se défenestre et s’écrase sur le cercueil de son grand-père, sous les yeux effarés de sa mère Madeleine (Léa Drucker). Le gamin ne mourra pas de ce geste désespéré, mais il en ressortira physiquement et moralement fracassé. Jusqu’à ce jour où, par la grâce d’une voix sur un gramophone, l’enfant aux jambes mortes renaîtra peu à peu…
Cette voix, c’est celle de Solange Gallinato, cantatrice de pure fiction née sous la plume de l’écrivain Pierre Lemaitre dans Couleurs de l’Incendie, le deuxième volet d’une trilogie à succès amorcée avec le Goncourt 2013, Au revoir-là haut. En choisissant Fanny Ardant pour l’incarner sur grand écran, Clovis Cornillac gomme les kilos en trop du personnage et un peu de son excentricité, mais l’essentiel demeure. Avec la Gallinato, l’art lyrique devient espoir… « Je trouvais très beau la façon dont un enfant qui n’a plus goût à rien et cette femme qui se sent au bout de son existence, parviennent à se trouver sur un territoire magique, explique le réalisateur. Quand j’admire une œuvre d’art qui me bouleverse, je me demande souvent si je suis à sa hauteur. Paul, lui, est vraiment capable d’entendre ce que chante Solange. Elle lui sauve la vie ; il donne du sens à la sienne ».
« Va, pensiero » en hymne de résistance
Le chant, comme instrument de résilience et… de résistance. Car, si la passion de Paul le ramène à la lumière, le fascisme menace déjà d’entraîner l’Europe dans les ténèbres. Invitée à se produire à Berlin où elle est censée interpréter Wagner, la diva crée la surprise en entonnant « Va, pensiero » a capella devant un parterre d’officiers nazis. Dans le roman, l’artiste manifestait son opposition à Hitler avec un chant écrit par son amoureux. En optant pour le chœur des Esclaves, Cornillac fait entrer en résonance cet extrait de Nabucco de Verdi dans lequel les Hébreux réduits en servitude clament leur désespoir, et les funestes desseins du chancelier allemand. « Pour imposer cet acte de courage d’un point de vue visuel et émotionnel, j’étais en quête d’un morceau qui permette d’envoyer au visage d’Hitler quelque chose qui ait vraiment du sens par rapport à son idéologie. Un matin, je me suis dit : « ça y est, je le tiens ! » Le chœur des Esclaves est un tube ; il pouvait fédérer le public, qui l’a en tête sans forcément savoir ce qu’il raconte. Et qui va découvrir sa signification.»
Une voix au service de l’émotion
Derrière les envolées de la cantatrice, les oreilles averties reconnaîtront la voix de la soprano Sandrine Piau, enregistrée en amont du tournage. Un souvenir réjouissant pour le comédien-cinéaste. « J’ai pu lui parler, la diriger, non pas sur ses si bémol que je suis incapable de reconnaître, mais sur les intentions à donner. Quand Solange entonne doucement Samson et Dalila de Saint-Saëns près du lit de Paul, par exemple, il ne s’agissait pas d’obtenir une performance. Parfois, j’ai fait chanter Sandrine moins bien que ce dont elle est capable, parce je ne recherchais pas la démonstration, mais l’émotion. Elle était extrêmement réceptive. C’est fabuleux quand quelqu’un met ainsi son talent à votre service ! »
À voir :
Couleurs de l’incendie, comédie dramatique réalisée et interprétée par Clovis Cornillac, avec Léa Drucker, Alice Isaaz, Fanny Ardant, Olivier Gourmet, Benoît Poelvoorde. Sortie le 9 novembre 2022. La bande originale du film est disponible chez Alpha Classics.