Basilique, 19 juin
Die Schuldigkeit des ersten Gebots, K. 35 (Le Devoir du premier Commandement) est un « drame sacré » créé à Salzbourg en mars 1767. Mozart en a écrit la première partie, mais les deux autres volets, dus à Anton Adlgasser et Michael Haydn, sont perdus. Le compositeur d’à peine 11 ans stupéfie par sa science de l’écriture, notamment pour l’orchestration. Wolfgang explore les possibilités de la voix, dans des airs da capo à la virtuosité exigeante, mais pas toujours très adaptée aux paroles, avec des transitions parfois abruptes d’une partie à l’autre.
Cette œuvre plaisante, oscillant entre un style napolitain à la Porpora et d’étonnants passages très « Sturm und Drang », voire évoquant Haydn, reste rare au concert comme au disque. Camille Delaforge l’a enregistrée en 2023 pour le label Château de Versailles Spectacles (voir O. M. n° 208 p. 92 de décembre-janvier 2024-2025). Pour ce concert du Festival de Saint-Denis – où son ensemble Il Caravaggio est en résidence – la cheffe française dirige avec beaucoup d’énergie, de sensibilité et de savoir-faire – mais pas mal de coupures dans les récitatifs vers la fin – une distribution grandement renouvelée.
Seul déjà présent dans l’enregistrement, Jordan Mouaïssia montre un beau timbre dense et un phrasé soigné qui rendent son Chrétien précieux. D’autant qu’il fait entendre ici son superbe (et hélas coupé au disque) « Jeder Donnerworte Kraft » avec trombone solo concertant, et ce soir le chant d’un oiseau ! L’autre ténor, Alasdair Kent, fait valoir en Esprit du christianisme une belle virtuosité (vocalises, trilles et cadences), dans un style sans doute plus rossinien que véritablement mozartien, avec des variations un peu trop orientées sur le suraigu ; mais il surclasse aisément le titulaire du disque, franchement à la peine. De même pour Karine Deshayes, dont le mezzo étendu et virtuose sert parfaitement l’air de la Miséricorde « Ein ergrimmter Löwe brüllet ».
Mais la reine de la soirée est Rocío Pérez, fort joli soprano léger à qui échoient les deux airs à cocottes de l’Esprit du monde et celui, plus lyrique, de la Justice divine. Reste que confier les deux à la même chanteuse, qui plus est avec un même type de variations suraiguës, est une source de confusion, l’auditeur, en l’absence de surtitres, ne comprenant pas forcément qu’elle incarne deux allégories différentes. D’autant que son splendide fourreau vert décolleté est plus adapté pour symboliser les séductions terrestres que l’austère Justice : un accessoire les distinguant eût été bienvenu !
THIERRY GUYENNE