Théâtre des Champs-Élysées, 30 avril
Présenter Der Freischütz en version de concert, sans les dialogues parlés essentiels au Singspiel, est un défi. Dans le texte de liaison proposé ici, dû à l’écrivain allemand Steffen Kopetzky, c’est Samiel (le Chasseur noir, alias le Diable) qui parle. Ce texte bavard et à prétentions philosophiques, n’éclairant pas l’action, plombe un peu la soirée, lu avec micro par la comédienne Johanna Wokalek, d’un ton bourgeois et avec de notables limites phonatoires dans la traduction française donnée en cette unique étape non allemande de la tournée. Et que ne revient-elle à l’allemand original pour la scène de la Gorge aux loups, assez risible en version bilingue !
La Kammerakademie Potsdam, qu’Antonello Manacorda dirige depuis 2010, montre des vents bien sonnants mais des cordes sèches, volontiers acides dans l’aigu et aux traits pas toujours nets. Le RIAS Kammerchor est efficace mais manque un peu de caractère (chœur des chasseurs trop neutre).
Réduits à leurs seules interventions chantées, les solistes peinent à faire exister et interagir leurs personnages. Le Max de Charles Castronovo pose problème, non pour une question de voix – vaillance et largeur sont suffisantes –, mais par un chant où rien, mots, phrasés, accents, ne sonne allemand. Kyle Ketelsen, baryton-basse au bon grave, caractérise très bien son Kaspar, même si l’on peut souhaiter un peu plus de noirceur. Milan Siljanov est un Kilian rude à souhait, et Levente Páll ferait l’affaire en Ottokar s’il ne ratait son sol# aigu. La basse Jongmin Park fait sensation : surdimensionnée pour Kuno, cette immense voix irradiant la bonté produit un effet incroyable en Ermite.
Nikola Hillebrand est une Ännchen fort bien chantante – malgré quelques aigus trop hauts – mais trop sérieuse, surtout dans sa première scène. Golda Schultz enfin, non contente d’apporter le rayonnement vocal attendu, avec une émission à la fois haut placée et ronde, un ample legato et une très impressionnante longueur de souffle, réussit, dans ce contexte si peu théâtral, à camper une fort touchante Agathe.
THIERRY GUYENNE