Trinkhalle, 20 juillet
Pour cette Armida (Naples, 1817) qui, à l’instar d’Ermione, faisait son entrée au répertoire du Festival « Rossini in Wildbad », on avait annoncé la présence d’Angela Meade. La cantatrice américaine ayant disparu de l’affiche, c’est à Ruth Iniesta qu’est revenue la tâche périlleuse de défendre le rôle-titre, l’un des plus exigeants écrits par Rossini pour Isabella Colbran.
La soprano espagnole, qui a brièvement fréquenté le « Rossini Opera Festival » de Pesaro, ne démérite certes pas, mais ne convainc que partiellement. Si elle possède une technique éprouvée qui lui permet de maîtriser les traits de virtuosité, on ne peut pas dire que sa voix de lirico leggero offre les caractéristiques exigées par une tessiture très centrale et un personnage auquel seul un médium nourri peut donner toute la dimension voulue.
L’Armida de Ruth Iniesta reste assez uniforme et pâle, facilement absorbée dans les ensembles. L’amoureuse se dessine, certes, avec finesse au fil de l’opéra, mais il lui manque cette autorité, cette duplicité, qui rendraient la scène de désespoir finale d’autant plus émouvante, quand la dominatrice, vaincue, est rendue à sa faiblesse de « donna abbandonata ».
Michele Angelini n’est pas exactement le baritenore attendu en Rinaldo. Vocaliste accompli, il possède un sens appréciable de l’ornement et des aigus stratosphériques, dont il abuse un peu, mais il n’a pas tout à fait la largeur de voix qui fait les grands titulaires, comme Chris Merritt ou Gregory Kunde, jadis.
À tout prendre, Patrick Kabongo, distribué en Gernando, auquel ne manque qu’un supplément de mordant pour caractériser son personnage, vindicatif et amer, aurait sûrement apporté à Rinaldo cette dimension lyrique qui lui est naturelle et qu’il fait brillamment valoir dans le cantabile méditatif de son air unique.
Surenchérissant sur la plupart des productions modernes, le Festival s’est offert le luxe de distribuer six chanteurs différents pour les six rôles de ténor. Parmi eux, se fait remarquer le Goffredo de Moisés Marin, avec une voix solide, au timbre corsé, et une autorité qui fait oublier le petit accident sur un aigu de la cabalette de son air d’entrée. Excellents, également, le Carlo de Chuan Wang et l’Ubaldo de César Arrieta. Enfin, le jeune Manuel Amati est un Eustazio à la diction parfaite.
Les deux barytons-basses sont également distribués à deux chanteurs différents. À Jusung Gabriel Park revient Idraote, auquel il offre une voix richement timbrée, tandis qu’Astarotte est fort bien défendu par Shi Zong.
La réussite d’ensemble doit beaucoup à la direction vivante et engagée du chef espagnol José Miguel Pérez-Sierra qui, à la tête de l’Orchestre Philharmonique de Cracovie (exemplaire, n’étaient quelques approximations des cors dans l’Ouverture), sait révéler les sortilèges de cette partition très originale, donnée ici avec la totalité des scènes en récitatif et le « Ballet » de l’acte II dans son intégralité.
Un excellent présage pour l’enregistrement CD de l’intégrale des opéras de Rossini, captés à Bad Wildbad, en cours chez Naxos.
ALFRED CARON