Théâtre du Capitole, 25 juin
Cette production fort classique, signée Nicolas Joel et reprise avec vigilance par Frédérique Lombart, a été créée au Théâtre du Capitole, en 1997. Elle servait alors de marchepied à Roberto Alagna pour ses débuts en Werther, auprès de la Charlotte de Béatrice Uria-Monzon. Inscrite désormais au répertoire de la maison, elle permet d’offrir au public toulousain une mise en scène soignée et respectueuse de l’ouvrage, même si les décors massifs d’Hubert Monloup nécessitent de programmer deux entractes, ce qui entrave le maintien de l’intensité dramatique.
Le couple vedette de cette reprise, formé par Jean-François Borras et Karine Deshayes, déploie un romantisme exacerbé et constamment frémissant. Le ténor compense une présence scénique un peu raide par un engagement vocal de chaque instant. Son rayonnement donne toute sa réelle jeunesse, son humanité et son authenticité à Werther. Sa voix s’élève, à la fois puissante et raffinée, soucieuse de conserver toute sa beauté à la ligne ainsi qu’au legato, culminant sur un radieux « Pourquoi me réveiller », qui dégage une profonde émotion.
Le mezzo long et capiteux de Karine Deshayes est parfaitement adapté au personnage de Charlotte. De la jeune fille rangée du début à la femme passionnée du dénouement, elle brosse un portrait tout en nuances, déchiré, puis vaincu. Le troisième acte, pourtant si lourd vocalement, lui permet d’enchaîner l’air « des lettres » et celui « des larmes » sans aucune tension, avec un registre grave profond et un aigu épanoui.
André Heyboer campe un Albert en retrait, compassé, victime de sa condition et de son devoir. Son matériau vocal semble mieux adapté à des rôles plus dramatiques, mais il s’intègre finalement bien dans ce contexte. Florie Valiquette incarne une jolie Sophie, joyeuse et alerte, vulnérable aussi. La luminosité de son timbre illumine ce personnage pas si secondaire et fade qu’on le croit. Christian Tréguier déploie tous les registres de son long parcours scénique dans le Bailli. Tout aussi expérimentés, Luca Lombardo et Francis Dudziak sont irréprochables en Schmidt et Johann.
Heureuse idée de confier la direction musicale à Jean-François Verdier, admirateur inconditionnel de la partition ! Sous sa baguette enthousiaste, l’Orchestre National du Capitole rayonne de tous ses feux et joue avec autant de conviction que de générosité, en tenant à distance toute sentimentalité excessive. Et quel bonheur de voir un chef aussi attentif aux départs de chaque pupitre et capable de dialoguer avec une équipe de chanteurs placée ainsi en position de confiance !
Mention spéciale, enfin, pour les enfants de la Maîtrise du Capitole, absolument parfaits sous la conduite d’Alfonso Caiani.
JOSÉ PONS
PHOTO © PATRICE NIN