Comptes rendus Veuve dynamique à Avignon
Comptes rendus

Veuve dynamique à Avignon

07/01/2021

Opéra Confluence, 27 décembre

 Inventeur du printemps pour les oreilles », c’est ainsi que Léon-Paul Fargue, dans ses  Chroniques parisiennes, définit Franz Lehar (1870-1948). Quel plaisir de retrouver Die lustige Witwe, ce tourbillon de gaieté et d’humour, dans son adaptation française de 1909, La Veuve joyeuse ! D’autant plus que la verve du compositeur est très bien mise en valeur par l’Orchestre National Avignon-Provence, que dirige avec adresse Benjamin Pionnier.

Le Chœur de l’Opéra Grand Avignon, mené par Aurore Marchand, n’est pas en reste, et se déchaîne dans « Femmes, femmes, femmes ». Jeune et francophone, la distribution joue le jeu avec bonheur, même si, de manière générale, la diction pourrait être améliorée.

Quand le rideau se lève sur l’ambassade de Marsovie, à Paris, un grand escalier rouge occupe le centre de la scène, se détachant sur de faux marbres. Deux immenses luminaires « Art déco » emplissent l’espace. Tous les personnages sont en blanc, les dames semblent descendues d’une toile de Giovanni Boldini. Une seule tache rouge, c’est l’éventail de Nadia, l’ambassadrice, qui va jouer un rôle décisif dans l’intrigue.

Changement complet pour l’acte II et la réception chez Missia Palmieri, la « Veuve joyeuse ». Les invités portant le costume national de la Marsovie, Erick Plaza-Cochet s’est fait plaisir en se livrant au kitsch le plus réjouissant : les toilettes s’inspirent du folklore tyrolien, avec des coiffures chargées de fleurs et de plumes d’autruche. Par miracle, ces volumineux couvre-chefs restent à leur place, un seul finit par chuter…

Le III est censé se passer chez Maxim’s, mais on ne retrouve pas ici le fastueux restaurant. Il n’y a pas de décor du tout, les déshabillés et les coiffures extravagantes de ces dames faisant référence au Crazy Horse. Nadia est transformée en Marlene Dietrich dans L’Ange bleu, avec jeu de jambes et chapeau claque.

Alors que les chorégraphies des deux premiers actes semblaient plutôt ridicules, le final est très réussi, dans une cavalcade échevelée, avec quatre danseuses de cancan survoltées, qui n’hésitent pas à faire la roue. Tout se termine par des jets de papiers dorés qui tourbillonnent, et par des vœux de bonne année.On admire d’autant plus le dynamisme des interprètes que, pour cette captation filmée (disponible sur la chaîne YouTube de l’Opéra Grand Avignon jusqu’au 15 janvier), ils font face à une salle vide, à l’absence de rires et d’applaudissements…

Erminie Blondel est tout simplement idéale en Missia Palmieri : avec une silhouette ravissante, elle se montre adroite comédienne, et chante d’une voix si fraîche et spontanée qu’on a l’impression de redécouvrir « Heure exquise… ». Caroline Mutel n’est pas en reste, qui donne beaucoup d’allure à Nadia, dessinant une amoureuse dont la coquetterie n’exclut pas la sensibilité.

Samy Camps fait de Camille de Coutançon un beau ténébreux, à la voix de velours. Philippe-Nicolas Martin incarne le Prince Danilo : si l’acteur paraît bien pataud, le chanteur convainc. Guillaume Paire prête au Baron Popoff sa haute stature, son crâne rasé et un accent improbable, le tout composant une caricature d’une grande drôlerie.

Dommage que dans sa mise en scène, par ailleurs classique et efficace, Fanny Gioria ait eu l’idée d’introduire le « théâtre dans le théâtre », qui n’a rien à faire ici, les dialogues de Gaston de Caillavet et Robert de Flers étant déjà emplis d’ironie. Elle a ainsi ajouté un personnage de régisseur, qui intervient à tort et à travers, ainsi qu’un interminable prélude au troisième acte : le seul résultat est de casser le rythme de la représentation. Mais, pour une reprise éventuelle, que l’on espère la saison prochaine, ces broutilles pourraient facilement être effacées.

BRUNO VILLIEN

PHOTO © STUDIO DELESTRADE/AVIGNON CÉDRIC & MICKAËL

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