Comptes rendus Turc plein de verve à Avignon
Comptes rendus

Turc plein de verve à Avignon

10/03/2023
© Mickael & Cédric/Studio Delestrade

Opéra, 5 mars

Revue à un an de distance, cette production d’Il Turco in Italia, créée à l’Opéra de Monte-Carlo, en janvier 2022 (voir O. M. n° 180 p. 41 de mars), et signée Jean-Louis Grinda, n’a rien perdu de ses qualités : une intéressante gestion du « théâtre dans le théâtre », à travers le personnage du poète Prosdocimo, toujours incarné, avec beaucoup de verve, par Giovanni Romeo ; de splendides costumes ; un décor à transformation efficace, enrichi de quelques touches de vidéo et de beaux éclairages.

En revanche, si le versant illustratif se révèle particulièrement réussi, on ne saurait en dire autant d’une direction d’acteurs quelque peu languissante, qui laisse les interprètes livrés à eux-mêmes dans les ensembles.

Succédant à l’irrésistible Cecilia Bartoli, la soprano roumaine Florina Ilie a fort à faire pour s’imposer en Donna Fiorilla. Elle l’incarne dans un registre nettement moins bouffe, voire même avec une réelle distinction, et ce côté « grande dame » se révèle payant. Sa voix de lyrique léger, à l’aigu brillant et sûr, met un certain temps à se chauffer, mais elle s’épanouit pleinement, à l’acte II.

Face à cette Donna Fiorilla de grande classe, le Selim de Guido Loconsolo, à la voix bien projetée, généreuse et sonore, paraît plus conventionnel. Il ne s’impose que par intermittence, semblant peu à l’aise dans un rôle qu’il a, pourtant, déjà interprété. Avec un timbre légèrement voilé et un physique assez imposant pour rivaliser avec lui, Gabriele Ribis donne un beau relief à Don Geronio, sans trop le caricaturer.

En Don Narciso, Patrick Kabongo joue, avec beaucoup de talent, de sa vis comica. Déployant tout le charme de son tenore di grazia dans la cavatine du I, il fait de son air du II un grand moment de chant rossinien, variant à plaisir les registres, de la tendresse à l’héroïsme le plus extraverti, avec des aigus impressionnants.

Venant juste après lui, Blaise Rantoanina ne démérite pas et, malgré un rien de raideur, donne une interprétation pleine de finesse de l’air d’Albazar. En Zaida, Josè Maria Lo Monaco, passé un démarrage où l’aigu sonne un peu strident, retrouve sa musicalité et offre, avec son mezzo charnu, un beau contraste avec la Donna Fiorilla de Florina Ilie.

À la tête de l’excellent Orchestre National Avignon-Provence, Miguel Campos Neto dirige une version très complète de la partition. La battue du chef brésilien gagne en précision et en légèreté, au fil de la représentation, mais n’évite pas quelques décalages, vite rattrapés, avec le Chœur de l’Opéra Grand Avignon.

Au final, cette production, dont les gags déclenchent de nombreux rires dans la salle, se taille un beau succès.

ALFRED CARON


© Mickael & Cédric/Studio Delestrade

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