Comptes rendus Toulouse force le destin
Comptes rendus

Toulouse force le destin

31/05/2021

Théâtre du Capitole, 23 mai

On aurait voulu du mouvement, des couleurs, des coups de feu, des génuflexions. Imposée par la crise sanitaire, la version de concert nous contraint à imaginer tout cela. L’un des plus beaux opéras de Verdi n’en résiste pas moins à ces contraintes. Il ne perd rien de sa puissance évocatrice, avec sa suite insensée de hasards, de rencontres, d’affrontements impitoyables et d’élévations vers le ciel.

Durant plus de trois heures, Paolo Arrivabeni nous guide à travers le cours tumultueux de cette histoire, en donnant à chaque tableau sa part de violence, son illusion de paix, sa tonalité la plus juste. Peut-être manque-t-il parfois, et déjà dans l’Ouverture, un souffle plus généreux. La faute en revient, surtout, aux effectifs sensiblement réduits de l’Orchestre National du Capitole.

Sur le plateau, solistes et choristes conservent, comme il se doit, une distance prudente. Et pourtant, très vite, la chaleur de leur interprétation fait oublier l’absence des décors et de la mise en scène. Tous, sans exception, s’investissent dans cette aventure collective, qui ne connaît aucun temps mort.

Abandonnant ici le répertoire franco-germanique qui a accompagné, jusqu’à présent, l’essentiel de sa carrière, la soprano française Catherine Hunold fait preuve d’une intelligence dramatique qui compense une certaine dureté d’émission. Gravée à l’eau-forte, cette Donna Leonora fière, décidée, douloureuse, ne peut laisser indifférent.

La même flamme se retrouve dans l’interprétation de son principal partenaire. Avec son timbre conquérant et sa musicalité toujours soignée, Amadi Lagha, après un début quelque peu incertain, s’impose vite en Don Alvaro. Remarqué en 2019, à Toulon, où il chantait Calaf dans Turandot, présent surtout sur les scènes allemandes et italiennes, ce ténor franco-tunisien, aux atouts vocaux incontestables, fait sensation.

Les duos qu’il partage avec le baryton albanais Gezim Myshketa constituent les moments les plus marquants de la représentation. Voilà, en effet, un Don Carlo comme on les aime, avec ses accents impérieux, sa détermination farouche et sa noble élégance, jusque dans ses invectives. Parfaite, elle aussi, la Preziosilla de la mezzo américaine Raehann Bryce-Davis, ironique, malicieuse, jamais vulgaire.

Roberto Scandiuzzi endosse, avec la même aisance, les habits du Marquis de Calatrava et de Padre Guardiano. Quant à Sergio Vitale, même privé de mouvements, il réussit à dessiner d’un trait sûr le personnage si pittoresque de Fra Melitone.

Le ténor Roberto Covatta, la mezzo Cécile Galois et la basse Barnaby Rea complètent cette distribution parfaitement équilibrée, qui, dans un contexte difficile, sait aller de l’avant, sans faux pas, la fleur au fusil.

PIERRE CADARS

PHOTO © DAVID HERRERO

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