Comptes rendus Suite réussie du cycle Lully à Beaune
Comptes rendus

Suite réussie du cycle Lully à Beaune

23/08/2019

Basilique Notre-Dame, 12 juillet

Huitième opéra de Lully donné au Festival, Isis est aussi le septième créé par Christophe Rousset, lequel enregistre peu à peu toutes les « tragédies lyriques » du Surintendant.

Un Prologue fulminé aux trompettes et timbales emplit d’abord, de sa verve louis-quatorzienne, la basilique Notre-Dame surchauffée par la canicule. Ce sera la seule page d’envergure d’un ouvrage qui ignore ces passacailles et chaconnes dont Lully a le secret. Car Isis (1677) est une œuvre intime, coquine, parcourue de scènes pittoresques qui en font le sel et lui valurent le surnom d’« opéra des musiciens ».

Située entre Atys (1676) et Psyché (1678), elle porte la marque de son lieu de création, le château et le parc de Saint-Germain-en-Laye. Nymphes, sources et jardins lui confèrent des couleurs aquatiques, servies par une musique vouée à la fantasmagorie des forges infernales et des contrées glacées, de la cour cruelle de Junon et des roselières de Syrinx.

Philippe Quinault s’y montre poète hors pair, habile à tresser les refrains de la galanterie. Quitte à trop en faire. En effet, Isis, gazette de la vie de cour comme toutes ses sœurs, épinglait la jalousie de madame de Montespan/Junon envers la nouvelle conquête de Louis XIV, mademoiselle de Ludres/Io, le roi/Jupiter, ici concupiscent et veule, finissant par céder à la colère de Junon.

Dans la vraie vie, Quinault fut puni de sa témérité et prié de ne plus écrire pour Lully, deux saisons durant. À la cour, il n’était pas conseillé de se moquer d’une favorite, encore moins lorsqu’elle se savait publiquement cocufiée…

La délicatesse et l’élégance de la prosodie sont indispensables à cette œuvre sensuelle, où le comique l’emporte grâce à de multiples « mises en abyme ». La distribution magnifie cet art subtil, à commencer par Cyril Auvity. La maturité et la beauté de son timbre de haute-contre donnent à chaque mot son juste poids. Fabien Hyon, d’une génération postérieure, lui réplique avec autant de netteté.

Edwin Crossley-Mercer est bien l’immense basse-taille que ce répertoire réclame. Il en a les couleurs noires, l’amplitude et la puissance, pimentées d’une autorité sexy sachant jouer la morgue ironique lorsqu’elle est nécessaire. Philippe Estèphe incarne les seconds rôles avec une autorité de premier rang. On reste plus circonspect quant au choix d’Aimery Lefèvre en Hiérax. La tessiture du malheureux prétendant de la nymphe Io s’avère souvent douloureuse pour son bas registre.

C’est le seul bémol d’une équipe dominée par la Junon impérieuse de Bénédicte Tauran. Ambroisine Bré a toute la finesse que réclame la coquette Iris, et on se dit que Susanna et Despina devraient lui aller à ravir. Eve-Maud Hubeaux, vêtue en nymphe baroque, se départ progressivement d’un certain hiératisme vocal pour entonner, à l’acte V, un boulevardant « Terminez mes tourments, puissant maître du monde ».

Les forces chorales sont généreusement sollicitées. Le Chœur de Chambre de Namur excelle à rendre chaque détail, nous régalant des onomatopées et des échos dont l’opéra regorge. Quant à la direction de Christophe Rousset, à la tête de son ensemble Les Talens Lyriques, elle est celle d’un merveilleux claveciniste, connaissant sur le bout des doigts les couleurs, les rythmes et les langueurs du Grand Siècle.

La sortie en CD de cette Isis, enregistrée dans la foulée du concert de Beaune, n’en est que plus attendue. Ce sera la seconde intégrale, après celle gravée en 2005 par Hugo Reyne et La Simphonie du Marais, à la Chabotterie (Accord).

VINCENT BOREL

PHOTO © JEAN-CLAUDE COTTIER

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