Opéra, 22 janvier
Après Le nozze di Figaro, en 2018 (voir O. M. n° 137 p. 56 de mars), le deuxième volet de la « trilogie Mozart/Da Ponte » par Daniel Benoin, à l’Opéra Nice Côte d’Azur, s’inscrit dans une certaine tradition des premières représentations documentées de l’œuvre. Et même si un problème technique sur un vidéoprojecteur, le 22 janvier, n’a pas permis au metteur en scène de présenter son travail dans son intégralité, cela ne nous a pas empêché pour autant d’apprécier le dispositif.
Comme en 1905 au Hofoper de Vienne, Daniel Benoin comprime les successions de tableaux en une unité de lieu : la chambre à coucher de Don Giovanni, symbolisée par un lit démesurément grand. Deux portes de chaque côté permettent aux chanteurs d’aller et venir. Pour le souper final, un plateau élévateur, sous le drap, transforme une partie du lit en table à manger – le drap faisant aussi office de nappe. Des rideaux coulissants séparent la chambre du fond de scène, qui sert tantôt de salle de bal, tantôt de jardin.
Entre autres avantages, ce dispositif permet d’alterner facilement morceaux d’ensemble et tableaux plus intimes. Outre les très beaux costumes signés Nathalie Bérard-Benoin, on louera le soin particulier apporté aux éclairages (jeu de contrastes entre la lumière et l’obscurité).
Dans la distribution féminine, la Donna Elvira d’Alessandra Volpe est la plus attachante. Dès son entrée, la mezzo italienne installe le caractère de son héroïne, femme meurtrie par l’inconstance de Don Giovanni. Son phrasé élégant (ses « r » bien ciselés) éclaire avec d’autant plus d’intérêt son courroux.
Natalya Pavlova campe une Donna Anna assez digne, mais un peu en retrait, d’autant que la souplesse fait défaut dans le registre aigu. Gracieuse Comtesse Almaviva, la saison dernière, Veronica Granatiero est une Zerlina des plus naturelles. Son timbre fruité et coloré s’accorde parfaitement au caractère piquant du personnage.
Côté masculin, le jeune baryton ukrainien Andrei Kymach a la voix qui convient pour Don Giovanni, mais sans le sex-appeal nécessaire. Son incarnation paraît bien sage en regard du cynisme du héros mozartien, quand elle ne manque pas de conviction (« Là ci darem la mano »). Pourquoi, aussi, le faire courir d’un bout à l’autre de la chambre dans sa confrontation finale avec le Commandeur, alors qu’il est censé ne pas avoir peur ?
Mirco Palazzi possède une bonne voix de basse, qui sied à Leporello. Il prend à cœur son personnage, sans en rajouter dans le côté comique. Matteo Falcier est un Don Ottavio clair et sonore, Daniel Giulianini campant un Masetto de premier ordre, plein d’entrain et de diction impeccable. Ramaz Chikviladze, enfin, qui chante depuis la coulisse son « Don Giovanni, a cenar teco », trouve le ton juste en Commandeur, dans un style empreint de noblesse et d’autorité.
Au pupitre, György G. Rath évite les tempi trop lents, tout en veillant à un certain équilibre entre la fosse et le plateau. L’Orchestre Philharmonique de Nice rend brillamment compte, tout particulièrement dans l’avant-dernière scène, de l’intensité funèbre de l’action.
MATTHIEU WAGNER
PHOTO : © VILLE DE NICE