Comptes rendus Splendeurs de Samson et Dalila à Monte-Carlo
Comptes rendus

Splendeurs de Samson et Dalila à Monte-Carlo

29/11/2018

Grimaldi Forum, 22 novembre

Décidé, comme toujours, à offrir le meilleur à son public, Jean-Louis Grinda, directeur de l’Opéra de Monte-Carlo, a logiquement invité, pour sa nouvelle production de Samson et Dalila, le couple Anita Rachvelishvili/Aleksandrs Antonenko qui, après avoir fait les beaux soirs de l’Opéra National de Paris, en 2016, investira le Metropolitan Opera de New York, en mars prochain.

Qu’ajouter aux superlatifs utilisés, il y a deux ans, pour décrire la Dalila de la mezzo-soprano géorgienne (voir O. M. n° 122 p. 57 de novembre 2016) ? La voix est toujours aussi sensuelle, somptueuse, facile, comme nous n’en avions plus entendu dans le rôle depuis Rita Gorr. Le français est, de surcroît, parfaitement intelligible et l’incarnation semble couler de source, sans aucun effet mélodramatique superflu.

Le ténor letton, quant à lui, nous convainc davantage qu’à la Bastille. En cette soirée du 22 novembre, son Samson accuse certes quelques petits défauts d’intonation, mais la palette de nuances s’est considérablement élargie et, surtout, l’incarnation, débarrassée du handicap d’un costume ridicule et d’un concept dramaturgique étranger à l’essence du chef-d’œuvre de Saint-Saëns, a gagné en crédibilité et en émotion.

Sans doute faut-il également porter ces progrès au crédit de Jean-Louis Grinda, cette fois sous sa casquette de metteur en scène. Sans aller chercher midi à quatorze heures, son spectacle raconte Samson et Dalila de manière lisible et cohérente. On croit dans les personnages qu’il nous présente, on partage leurs aspirations et leurs souffrances, en particulier dans un air « de la meule » bouleversant d’intensité tragique.

Décors et costumes jouent délibérément la carte d’une Antiquité de fantaisie, où se télescopent toutes les civilisations, dans leur représentation réelle comme dans l’interprétation qu’en ont faite écrivains et cinéastes de science-fiction. Dans un temple souterrain taillé à même la pierre, que des voiles bleu nuit transforment en tente à l’acte II, puis d’énormes chaînes en prison au début de l’acte III, défilent ainsi des vêtements, coiffures et accessoires d’un kitsch, voire d’une extravagance, complètement assumés.

Les Hébreux et les Philistins se télescopent avec l’Égypte des pharaons, les civilisations précolombiennes avec les cultures d’Extrême-Orient… On pense à la saga Star Wars, à la série Stargate, au film Le Roi Scorpion, références cinématographiques et télévisuelles soulignées par une excellente idée de mise en scène : à la fin du II, un film en noir et blanc montre Dalila en train de couper les cheveux de Samson.

Le tout pourrait faire désordre, ou paraître surchargé. Il n’en est rien, grâce également aux merveilleux jeux de lumière de Laurent Castaingt et à la chorégraphie, élégante et pleine de goût, d’Eugénie Andrin.

Autour du couple central, se distingue une solide équipe de chanteurs francophones : Grand Prêtre stylé d’André Heyboer, Abimélech efficace de Julien Véronèse et, surtout, Vieillard hébreu somptueux de Nicolas Courjal – évidemment sous-distribué dans ce rôle secondaire, mais qui aurait le mauvais goût de s’en plaindre ? En particulier  quand on sait à quel point la musique que Saint-Saëns lui a confiée est belle.

Renforcé pour l’occasion, le Chœur de l’Opéra de Monte-Carlo, préparé par Stefano Visconti, est dans une forme superbe. L’Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo aussi, même si la baguette de Kazuki Yamada, son directeur musical, semble étrangère à l’univers de l’opéra. Soucieux de faire émerger des détails instrumentaux qui passent d’ordinaire inaperçus, en disséquant la partition à l’infini, le chef japonais perd complètement de vue l’architecture d’ensemble et réussit l’exploit de retirer toute sensualité au duo d’amour de l’acte II.

Par chance, le III lui convient mieux, avec une « Bacchanale » très réussie (mais dirigée comme une pièce de concert !) et un tableau final (l’effondrement du temple) spectaculaire à souhait. Couronné d’un si bémol aigu claironnant d’Aleksandrs Antonenko, le spectacle se termine en apothéose et c’est tant mieux !

RICHARD MARTET

PHOTOS : © OMC/ALAIN HANEL

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