Opéra Berlioz/Le Corum, 30 juillet
Depuis plusieurs années, la soprano bulgare Sonya Yoncheva et son mari, le chef vénézuélien Domingo Hindoyan, sont des fidèles du Festival Radio France Occitanie Montpellier – on se souvient, avec émotion, des versions de concert d’Iris de Mascagni, en 2016, et Siberia de Giordano, en 2017. Pour le gala de clôture de cette édition 2021, celle de « tous les défis », comme l’a souligné le directeur Jean-Pierre Rousseau, dans son allocution liminaire, la manifestation leur a donné « carte blanche ».
Comme dans tout programme de ce type, l’orchestre joue seul entre les interventions de la diva. L’occasion de prendre la mesure de la forme éblouissante de l’Orchestre National Montpellier Occitanie : cordes de velours, cuivres et percussions acérés, qui claquent sans brutalité dans les pages latino-américaines, comme Conga del Fuego Nuevo d’Arturo Marquez ou El Firulete de Mariano Mores. Domingo Hindoyan sait ce qu’il veut ; il l’obtient d’autant mieux que sa phalange est d’un impeccable niveau.
Après l’Ouverture de Luisa Miller, Sonya Yoncheva apparaît, royale et souriante, dans une ample robe noire et, d’emblée, capte l’attention du public dans le même ouvrage (« Tu puniscimi, o Signore… A brani, a brani, o perfido »). La cavatine est chantée avec une belle souplesse, un vibrato tenu sous contrôle (le péché mignon de la cantatrice !), des registres homogènes et un aigu jamais poussé. La cabalette, quant à elle, équilibre puissance et légèreté. Surtout, on est sensible à l’incarnation dramatique du personnage.
En effet, même en concert, Sonya Yoncheva se met en scène avec une étonnante versatilité. De jeune fille malheureuse, la voici soudain transformée en ondine s’ouvrant aux mystères de la nuit, dans le « Chant à la lune » de Rusalka. Sur de merveilleuses demi-teintes de l’orchestre, elle déploie de longues sinuosités mélodiques extasiées, la complicité avec le chef étant plus que jamais palpable.
On revient ensuite au répertoire italien, avec l’Ave Maria de Mascagni, puis deux airs de Puccini : « Se come voi piccina io fossi » (Le Villi) et « Un bel di vedremo » (Madama Butterfly). La soprano déploie ici tout son savoir-faire vériste ; la longueur du souffle, la puissance, sont parfaitement maîtrisées et calculées.
Puis vient le temps de la musique légère : L’Amour en héritage de Vladimir Cosma, chanson créée par Nana Mouskouri ; No me mires mas, gros succès de la chanteuse argentine Lolita Torres ; « C’est la saison d’amour », extrait des Trois Valses d’Oscar Straus, qu’Yvonne Printemps rendit célèbre.
Les bis, enfin. Quand l’orchestre attaque les premières notes de la « Habanera », un soupir d’aise parcourt la salle. La Carmen de Sonya Yoncheva s’y livre à un amusant numéro de séduction avec son chef de mari (« Il n’a rien dit, mais il me plaît ») ! Elle enchaîne avec L’Hymne à l’amour, paroles d’Édith Piaf et musique de Marguerite Monnot.
On pourrait s’arrêter là. Ovation debout. Le petit Mateo (7 ans) se serre contre sa maman. On s’embrasse et, après un bref conciliabule, on décide de rechanter « Un bel di vedremo », sans la moindre trace de fatigue. La diva, rayonnante et émue, remercie le public, lève les bras, dispose ses mains en forme de cœur, envoie des baisers…
JACQUES BONNAURE
PHOTO © MARC GINOT