Benedetta Mazzucato (Silla)
Karen Gardeazabal (Metella)
Elisa Barbero (Lepido)
Federica Di Trapani (Flavia)
Adriana Di Paola (Claudio)
Nozomi Kato (Celia)
Michael Borth (Marte, Scabro)
Fabio Biondi (dm)
Alessandra Premoli (ms)
Manuel Zuriaga (d)
José Maria Adame (c)
Antonio Castro (l)
Palau de les Arts, Teatre Martin i Soler, 16 décembre
Aux côtés de Macbeth, présenté dans la grande salle (voir plus loin), le Palau de les Arts propose, dans l’espace plus confidentiel du Teatre Martin i Soler (moins de 400 places), un autre opéra centré sur une figure de tyran sanguinaire, Silla de Haendel, une rareté absolue, donnée ici en première espagnole.
Un mystère entoure cette œuvre, composée pour Londres en 1713, entre Teseo et Amadigi, et qui, semble-t-il, n’a finalement pas été créée. Winton Dean et John Merrill Knapp, dans leur ouvrage intitulé Handel’s Operas (1704-1726), ne se montrent pas tendres avec le livret de Giacomo Rossi, « le pire que Haendel ait jamais mis en musique, sans rien pour le racheter », affligé d’une « construction maladroite » et de « personnages invraisemblables ». Ces deux heures n’en contiennent pas moins suffisamment de beautés musicales, pour que le compositeur ait choisi d’en recycler une dizaine de numéros dans des opéras postérieurs, Amadigi et Radamisto notamment.
Avec peu de moyens, mais un indéniable sens dramaturgique, Alessandra Premoli et son équipe réussissent l’exploit de signer un spectacle où l’on ne s’ennuie pas une seconde. La transposition à l’époque contemporaine fonctionne à la perfection, avec des costumes modernes auxquels quelques éléments (casques, toges) donnent une touche antiquisante, et surtout un décor unique, à la fois beau et efficace : une arène, au milieu de gradins disposés en hémicycle, avec tout autour des cloisons amovibles, permettant d’ingénieux changements à vue.
La mise en scène se caractérise par son élégance, son intelligence, et son parti pris de préférer à l’illustration littérale du livret une approche plus métaphorique, voire symbolique. Exemple de distorsion flagrante, mais pleine de sens : le classique air d’amour de Celia, qui devient un délectable chant patriotique en l’honneur du tyran… De même, les épisodes spectaculaires (la foudre s’abattant sur l’arc de triomphe, tel un présage funeste) ne sont pas représentés, Alessandra Premoli donnant plutôt à voir leurs conséquences sur les protagonistes.
Dès l’Ouverture, montrant l’affrontement entre Marius, en bleu, et Sulla (Silla), en rouge, sont clairement définis, par l’opposition des couleurs, les deux camps en présence : la dictature qui s’installe, et la résistance qui s’organise. Ce combat fondateur se déroule sous le regard d’un personnage ambigu, qu’on retrouvera tout au long de la pièce, cumulant les fonctions d’arbitre impartial du conflit, de factotum muet du tyran (Scabro), et enfin de dieu Mars (Marte), intervenant en deus ex machina. Ses interventions apportent à la fois nerf et cohérence au livret.
Malheureusement, la réalisation musicale n’est pas tout à fait à la hauteur, à commencer par l’orchestre sur instruments modernes auquel Fabio Biondi, dirigeant du violon avec son énergie coutumière, peine à inculquer quelques rudiments de style haendelien. La sonorité reste raide, avare de contrastes. Quant aux da capo, ils sont assez scolairement exécutés, avec des variations trop souvent focalisées sur l’aigu, voire le suraigu, mettant plus d’une fois les chanteurs en péril.
Ces derniers sont tous issus du Centre de Perfectionnement « Placido Domingo », à l’exception des deux mezzos tenant les rôles de Silla et Claudio, probablement écrits pour des castrats altos. Si Benedetta Mazzucato fait preuve d’un indéniable panache, on est plus perplexe devant les disparités de registre d’Adriana Di Paola.
Chez les sopranos, on retient surtout le charme de Nozomi Kato, exquise Celia, aux côtés d’une digne Metella, d’une Flavia solide et d’un Lepido en difficulté. Enfin, seule voix grave de la soirée, le baryton Michael Borth tient avec conviction ses différents rôles.
S’il est évident que ces jeunes interprètes ne rendent que partiellement justice à la partition, il ne faut pas oublier que, pour eux, cette production a un caractère avant tout pédagogique. Nous aimerions maintenant la revoir avec un orchestre et une distribution davantage en phase avec ses exigences musicales.
THIERRY GUYENNE