Comptes rendus Saint-Étienne fidèle à La Vierge
Comptes rendus

Saint-Étienne fidèle à La Vierge

10/10/2021

Grand Théâtre Massenet, 1er octobre

L’Opéra de Saint-Étienne a choisi d’ouvrir sa saison 2021-2022, avec la troisième des quatre grandes œuvres lyriques d’inspiration religieuse de Massenet. Succédant à Marie-Magdeleine (« drame sacré », 1873) et Ève (« mystère », 1880), précédant La Terre promise (« oratorio », 1900), La Vierge, « légende sacrée », sur un livret de qualité de Charles Grandmougin, fut créée, le 22 mai 1880, à l’Opéra de Paris, sous la direction musicale du compositeur, avec Gabrielle Krauss dans le rôle-titre.

Au grand dam de son auteur, l’ouvrage, joué en concert, ne remporta pas le succès escompté, le public se montrant globalement assez froid. Il ne connut alors que deux représentations, pour ne plus jamais revenir ensuite au Palais Garnier dans sa totalité.

La défunte « Biennale Massenet » de Saint-Étienne avait heureusement présenté, lors de son édition 1990, La Vierge, sous la baguette de Patrick Fournillier, avec Michèle Command dans le rôle-titre. Ce concert, capté sur le vif, fit l’objet d’une précieuse publication discographique, sous étiquette Koch Schwann.

Comme le soulignait Patrick Gillis, éminent spécialiste de Massenet, dans le texte de présentation de l’enregistrement, La Vierge s’inscrit dans le droit fil du renouveau de la musique religieuse française, parallèlement illustré par Gounod ou Saint-Saëns, à une époque où le culte marial prend une place prépondérante chez les catholiques.

La puissante figure du Christ, sans jamais apparaître, occupe les pensées des protagonistes de cette « légende sacrée », qui met en exergue la figure immaculée et douloureuse de la Vierge, en quatre scènes fondamentales de son existence : « L’Annonciation », « Les Noces de Cana », « Le Vendredi saint » et « L’Assomption ».

Même ici, Massenet demeure un homme de théâtre. Son instinct dramatique rejaillit dans la conception même de l’ouvrage, son découpage, la place accordée à l’orchestre, mais aussi aux chœurs (adultes et enfants). Le compositeur y insuffle même cette part de sensualité, impossible chez lui à réprimer.

Très inspirée et d’une beauté presque éthérée, la partition donne la part belle aux interventions de la Vierge, mais aussi de l’Archange Gabriel. Dans le rôle-titre, Catherine Hunold déploie une voix brillante, ample et d’une parfaite expressivité, laissant transparaître toutes les étapes émotionnelles traversées par Marie, jusqu’à son ultime et poignante intervention, depuis le fond de la salle, appuyée par l’excellente Maîtrise de la Loire.

Superbe lirico, Iryna Kyshliaruk offre un exemplaire Archange Gabriel. La soprano Amélie Robins semble illuminer ses différentes incarnations, tandis que Lucie Roche laisse son mezzo, aux graves un rien appuyés, se déployer sans effort. Le baryton Marc Scoffoni excelle dans son triple rôle, avec une projection assurée. Le ténor Christophe Berry participe principalement aux ensembles, où son aigu sonore fait florès.

Ce très beau concert doit beaucoup à la direction musicale d’Alexandra Cravero. Placée à la tête d’un Chœur Lyrique et d’un Orchestre Symphonique Saint-Étienne Loire en grande forme, la cheffe française déploie une énergie toujours chaleureuse, mais aussi un sens profond du style adéquat.

L’émotion engendrée auprès d’un public fort attentif apparaît à la mesure de l’ovation finale qui vient saluer l’ensemble des interprètes, dont Alexandra Cravero et Catherine Hunold, visiblement bouleversées par l’accueil enthousiaste qui leur est réservé.

JOSÉ PONS

© CYRILLE CAUVET

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