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Retour triomphal de Richard Cœur de Lion à Versailles

29/10/2019

Pour fêter les 250 ans de l’Opéra Royal, Richard Cœur de Lion de Grétry revient à Versailles avec, pour la première fois depuis l’Ancien Régime, une production intégrale maison. C’est comme un manifeste, tant dans le choix de l’œuvre, créée en 1784, que dans celui de sa réalisation. En effet, elle est confiée au metteur en scène Marshall Pynkoski et à la chorégraphe Jeannette Lajeunesse Zingg qui, depuis plusieurs saisons maintenant, nous régalent de spectacles prenant le contre-pied de toute modernisation hasardeuse.

Si contexte il y a ici, c’est, plus légitimement, celui de la création, en lieu et place du Moyen Âge, où se situe l’action. Appuyé par les beaux costumes de Camille Assaf, Antoine Fontaine joue à fond, et avec sa virtuosité habituelle, les vertus des toiles peintes et des changements à vue, pastichant avec le meilleur goût ces décors qui nous séduisent tant sur les reproductions anciennes, avec des intérieurs néo-gothiques tels qu’on les imaginait au tournant du siècle.

Marshall Pynkoski y fait vivre, sur un rythme trépidant et avec une excellente direction d’acteurs, une action mouvementée, où une gestique accentuée permet de passer de l’effusion « sensible » des sentiments du XVIIIe à la violence hautement dramatique du premier romantisme, culminant dans le spectaculaire orage et la bataille de la prise du château.

S’imposant dès le chœur initial, la chorégraphie toujours d’une élégance raffinée de Jeannette Lajeunesse Zingg s’insère comme tout naturellement dans l’action, culminant dans la fête donnée au dernier acte, qui la prévoit explicitement dans le livret  de Sedaine (l’irrésistible « Et zig, et zoc… »). Les beaux éclairages d’Hervé Gary apportent le liant supplémentaire.

Bref, cette production est un enchantement pour l’œil comme pour l’esprit, nonobstant l’émotion, quand passe le souffle de l’histoire avec l’air « Ô Richard ! ô mon roi ! » de Blondel, qui a été chanté ici même par les gardes du corps de Louis XVI, lors de leur banquet du 1er octobre 1789, avant la fermeture de la salle et l’abandon du château, puis avec l’ariette « Je crains de lui parler la nuit » de Laurette, qui nous renvoie à sa poignante citation par Tchaïkovski dans La Dame de pique

C’est également un sans-faute côté plateau, mené par le bondissant Blondel de Rémy Mathieu. Marie Perbost, si elle n’a pas exactement le format physique du « petit garçon » Antonio, donne à Marguerite, comtesse de Flandre et d’Artois (rôle majoritairement parlé), la séduction de son timbre rond, fruité et charnu, et d’une présence en scène non moins percutante.

On apprécie la charmante mais très volontaire Laurette de Melody Louledjian, le Richard de haut relief de Reinoud Van Mechelen, les puissants Williams et Florestan de Geoffroy Buffière et Jean-Gabriel Saint-Martin, les nombreux comprimari étant également sans défaut. Chez tous, prononciation et diction exemplaires nous confortent dans l’idée qu’il faut de parfaits francophones dans ce répertoire !

Avec ses beaux ensembles du Concert Spirituel (l’impeccable chœur est particulièrement sollicité, et on apprécie les excellents solistes de l’orchestre, dont les réjouissantes timbales d’Isabelle Cornélis), Hervé Niquet est le chef de la situation, d’une irrépressible énergie, qui fait justice du cliché d’un Grétry seulement galant musicien de la cour de Marie-Antoinette.

L’ensemble redonne à l’œuvre la place centrale qu’elle a longtemps occupée dans le répertoire. Avec plus d’une page véritablement grandiose, Grétry y apparaît sous son vrai jour, bien au-dessus de ce qu’ont fait penser trop de parutions médiocres – et notamment, pour Richard Cœur de Lion, l’enregistrement dirigé par Edgar Doneux, en 1978 (EMI/Warner Classics), terriblement réducteur, et aussi dommageable à l’œuvre qu’au compositeur en général.

On attend avec impatience les disques correspondants (DVD et CD), à paraître au printemps 2020 !

FRANÇOIS LEHEL

PHOTO © AGATHE POUPENEY

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