Opéra Berlioz, 18 juin
Il n’est pas certain que la très large ouverture de scène de l’Opéra Berlioz, au cœur du Corum de Montpellier, profite à la production pensée par David Hermann pour les salles plus intimistes d’Anvers et Gand (voir O. M. n° 127 p. 38 d’avril 2017). Ainsi, quelques ricanements se font entendre quand apparaît une citation de la célèbre Cène de Léonard de Vinci. C’est pourtant l’une des fulgurances dramaturgiques et visuelles d’un spectacle dont le propos sur le pouvoir ne se dissout jamais dans l’anecdote.
Il n’est pas certain, non plus, que la distribution réunie par l’Opéra Orchestre National Montpellier soit aussi cohérente que la prédente. Chez Vincenzo Costanzo, la vigueur un peu systématique des accents se heurte, surtout en première partie de soirée, à une émission assourdie, ou du moins en retrait de ses partenaires sur le plan de la projection, comme si le volume sonore baissait de plusieurs crans à chacune des interventions de Gabriele.
Myrto Papatanasiu a, indéniablement, de l’allure. Est-ce pour prouver qu’elle donne tout qu’elle s’évertue à jouer à la manière surannée et caricaturale d’une diva de mélodrame – alors même que la direction d’acteurs est d’une austère sobriété ? Le chant est, peu ou prou, à l’avenant, dont les variations de couleurs et le vibrato fluctuant sont moins le fait d’intentions musicales et dramatiques, d’ailleurs souvent maniérées, que de registres inégaux, là où Maria/Amelia requiert un plein lirico, à l’ambitus dépourvu d’aspérités.
Les clés de fa satisfont davantage. À commencer par Leon Kim, un peu indifférent aux mots, mais dont le Paolo impressionne par le mordant et l’éclatante santé d’un instrument qui ne demande qu’à mûrir à l’abri d’emplois trop lourds, pour tenir les promesses d’un potentiel flagrant. Jean Teitgen a, quant à lui, atteint sa pleine maturité, Fiesco immense et incontestable, dont la basse basaltique emplit l’espace avec un phrasé d’une sereine autorité.
Reprocher à Giovanni Meoni de ne pas avoir le métal des grands anciens – ou de Ludovic Tézier qui, aujourd’hui, règne seul sur sa catégorie – serait lui faire un mauvais procès. Car à défaut de charisme vocal, le baryton italien a une probité artistique et stylistique qui, passé le temps d’adaptation à un timbre décidément voilé, force l’admiration, tant par le respect des nuances que la trajectoire psychologique de son Doge, jusqu’à l’effacement.
Chef principal de l’Orchestre National Montpellier Occitanie, qui lui doit sans doute sa belle forme, Michael Schonwandt connaît son théâtre autant que son Verdi, et imprime à la partition un souffle dynamique d’une superbe amplitude, tout en ciselant ses reflets miroitants.
MEHDI MAHDAVI
PHOTO © MARC GINOT