Cité de la Musique et de la Danse, 22 novembre
Didier Puntos, à qui l’Opéra National du Rhin (ONR) a commandé Les Trois Brigands, a vraisemblablement été très influencé par L’Enfant et les sortilèges, dont il a réalisé, en 1989, une adaptation bien connue, reprise par cette même institution, il y a deux ans.
Dans le programme de salle, le pianiste et compositeur français explique, d’ailleurs, avoir voulu, autant pour des raisons pratiques – la production, tournant dans plusieurs villes de la Région Grand Est, doit pouvoir se transposer facilement – qu’esthétiques, retrouver le piano à quatre mains, qu’il avait déjà utilisé pour sa version de l’ouvrage de Ravel, et qui permet, en outre, aux deux pianistes-chefs de chant de l’Opéra Studio de l’ONR, de participer au spectacle, en alternance, à ses côtés.
On comprend que L’Enfant et les sortilèges puisse servir d’exemple, mais il n’est pas sûr que cette merveilleuse « fantaisie lyrique », sur un livret de Colette, parle encore beaucoup aux enfants – ni aux adultes. D’abord parce qu’elle a été créée, il y a maintenant un siècle, et que d’autres musiques ont vu le jour depuis, sans doute plus adaptées aux oreilles de nos bambins.
Ensuite parce que Didier Puntos n’a pas seulement réadapté la formation, qui renvoie à celle de Ravel, il en aussi repris la ligne de chant. Il a, en effet, opté pour une écriture qui veut se rapprocher du parlé, et épouse le texte en étirant les aigus, le rendant difficilement compréhensible, s’il n’est par articulé à la perfection.
Or, les jeunes chanteurs de l’Opéra Studio de l’ONR, qui interprètent tous les rôles, sont loin d’y parvenir. S’ils font de leur mieux, sous la direction du compositeur, lui-même, on ne comprend que la moitié du texte, ce qui est un comble pour un conte – même si l’intrigue n’est pas bien difficile à suivre ! Et comme le spectacle n’est pas surtitré, il faut les interventions parlées de Cathy Bernecker, Narratrice bienveillante et maternelle, qui fait aussi quelques blagues en alsacien, pour se repérer vraiment.
Ce conte, c’est Les Trois Brigands de Tomi Ungerer (1931-2019), un des grands noms de la bande dessinée, né à Strasbourg, où il a un musée. Cet album, parmi ses plus célèbres, est paru en 1961, d’abord en anglais, avant d’être traduit en de nombreuses langues, et de devenir un phénomène de librairie.
Essentiellement graphique, il raconte l’histoire d’une jeune orpheline, capturée par trois méchants brigands, dont elle va bouleverser l’existence, en les incitant à utiliser le fabuleux trésor qu’ils ont amassé, pour faire le bien de l’humanité. Son message, on s’en doute, est que, dans la vie, rien n’est définitivement blanc ou noir, et qu’une mauvaise action peut être à l’origine d’une bonne.
Gilles Rico, qui a signé le livret, et Jean-Philippe Guilois le mettent en scène avec entrain, dans un décor qui rappelle les pages d’un livre. Il y a, dans tout cela, un petit côté patronage, au demeurant sympathique et plutôt efficace.
PATRICK SCEMAMA