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Le Don Quichotte sans grandeur de Nicolas Courjal à Marseille

03/04/2024
Nicolas Courjal (Don Quichotte) et Marc Barrard (Sancho Pança). © Christian Dresse

Opéra, 19 mars

Créée à l’Opéra de Saint-Étienne, en janvier 2020, puis reprise à l’Opéra de Tours, en mars de la même année, cette production de Don Quichotte, mise en scène par Louis Désiré, dont notre confrère Patrice Henriot avait rendu compte avec enthousiasme (voir, en dernier lieu, O. M. n° 161 p. 37 de mai 2020), semble n’avoir rien perdu de sa beauté, ni de sa force d’évocation, en faisant escale à l’Opéra de Marseille.

La direction musicale de Gaspard Brécourt, qui allie énergie et théâtralité, n’évite pas un certain clinquant dans le tableau initial. Mais elle révèle, par la suite, un grand sens poétique, accompagnant amoureusement les chanteurs et sachant faire émerger, de l’excellent Orchestre Philharmonique de Marseille, de merveilleux soli instrumentaux, notamment le violoncelle du deuxième interlude.

Saluons, aussi, outre l’implication du Chœur de l’Opéra, un quatuor de prétendants, où se distinguent les ténors Frédéric Cornille et Camille Tresmontant, en Juan et Rodriguez, aux côtés de Laurence Janot, pétulante soprano, et Marie Kalinine, chaud mezzo, en Pedro et Garcias – initialement, des rôles d’hommes en travesti, devenus des filles habillées à la garçonne.

Le plateau est dominé par Marc Barrard, déjà Sancho Pança, à Saint-Étienne, et qui en brosse un portrait aussi truculent que subtil, particulièrement quand il se montre tendre et compatissant envers son maître. Si l’instrument a désormais perdu en facilité, moins percutant et un peu gris, la musicalité – quel legato à l’archet ! –, l’art du diseur et l’autorité en scène demeurent considérables.

La Belle Dulcinée d’Héloïse Mas convainc par son mezzo glorieux, puissant, homogène – au détriment, parfois, de la clarté des voyelles – et virtuose. Un rien avare en charme et en subtilité, à son entrée, elle sait, au IV, alléger son émission, pour laisser poindre la secrète nostalgie de « Lorsque le temps d’amour a fui », en de troublantes demi-teintes et de superbes piani aigus.

Lui aussi en prise de rôle, Nicolas Courjal laisse plus partagé. Certes, la voix est longue, sonore et aisée, mais un vibrato prononcé gêne pour la parfaite justesse et la netteté de la ligne, sans parler d’une diction manquant de soin et de noblesse.

Mais c’est, surtout, la conception du personnage qui pèche. Plus idiot du village qu’illuminé, et constamment ridicule, la basse française passe complètement à côté de la grandeur du « Chevalier à la triste figure ». Sauf, heureusement, au dernier acte, où l’émotion se fait enfin sincère, et non distanciée.

THIERRY GUYENNE

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