Opéras La ciociara convainc à Wexford
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La ciociara convainc à Wexford

13/11/2023
Na'ama Goldman (Cesira). © Clive Barda/ArenaPAL

O’Reilly Theatre, 2 novembre

S’il est un titre qui symbolise, mieux que tout autre, le thème « Femmes et guerre » choisi, cette année, par le Festival de Wexford, c’est, assurément, La ciociara. Adapté du roman d’Alberto Moravia (1957), porté au cinéma par Vittorio De Sica (1960), l’opéra de Marco Tutino (né en 1954) conte la triste destinée de Cesira, une jeune veuve, et Rosetta, sa fille de 14 ans, dans la tourmente de la Seconde Guerre mondiale.

Tout en reconnaissant que l’ouvrage était « orchestré avec science, mélodieux à la manière de la musique de film dite «sérieuse» », David Shengold l’avait qualifié, lors de sa création à San Francisco, en juin 2015 (voir O. M. n° 109 p. 67 de septembre), sous le titre anglais Two Women – mais dans l’original italien –, de « rétrograde et indigeste, par-delà l’évident savoir-faire ayant présidé à sa conception et à sa réalisation ».

Est-ce parce que, près de dix ans plus tard, on s’est, davantage encore, habitué à des opéras contemporains ne cherchant pas la modernité ; et que le livret, et, derrière lui, le roman de Moravia, nous parlent si justement d’une réalité guerrière redevenue actuelle ? Forte de l’atout déterminant d’une bonne histoire, La ciociara, ici dotée d’une nouvelle orchestration, adaptée aux dimensions plus modestes de la fosse de l’O’Reilly Theatre, nous a paru, à rebours de la sévérité de ce jugement, bénéficier d’une partition habile et plaisante dans sa vocalité, mais osant aussi quelques moments plus actuels – quoique jamais dissonants – dans les interludes, avec de belles couleurs de percussions.

Également directrice artistique du Festival, et donc à l’origine du choix prémonitoire du thème de cette édition, la réalisatrice italienne Rosetta Cucchi joue la carte de la simplicité. Sans s’autoriser d’autres audaces (très relatives) que la présence silencieuse d’un Vittorio De Sica, assis, en bord de scène, dans son fauteuil de cinéaste, et la récurrence d’une danseuse, dont les apparitions, certes peu compréhensibles, n’ont rien de dérangeant, sa production, sobre mais efficace, parvient à nous toucher, en creusant finement l’évolution psychologique des personnages, avec des attitudes d’une grande vérité.

On passe donc un bon moment. D’autant que Wexford a trouvé, en la personne de Na’ama Goldman, une chanteuse puissante, mais aussi une comédienne habitée et intense, capable de tenir la comparaison avec Anna Caterina Antonacci, pour qui le rôle de Cesira a été composé.

Autour d’elle, la jeune soprano Jade Phoenix, le solide ténor Leonardo Caimi et l’impeccable baryton Devid Cecconi méritent l’enthousiasme manifesté par la salle, comme d’ailleurs le reste du plateau.

« Chef invité principal » du Festival, et toujours très inspiré dans les missions de découvertes qui lui sont confiées, l’excellent Francesco Cilluffo dirige, de main de maître, une soirée qui restera dans les mémoires.

NICOLAS BLANMONT

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