Teatro alla Scala, 23 avril
Après le fiasco de sa mise en scène des Nozze di Figaro (2016) et l’accueil pour le moins tiède réservé à sa vision de La finta giardiniera, venue de Glyndebourne (2018), Frederic Wake-Walker a de nouveau déçu le public milanais avec cette nouvelle production d’Ariadne auf Naxos.
Au début du Prologue, quelques caravanes sont disposées au bas d’un grand escalier conduisant à une imposante villa de style néo-classique. La troupe itinérante des comédiens et chanteurs attend les instructions du Majordome, incarné par rien moins qu’Alexander Pereira. Habillé en bonimenteur de cirque, le surintendant et directeur artistique de la Scala, à la demande du metteur en scène, en fait des tonnes, surjouant un personnage qui, pour être aussi antipathique que le veut le livret, doit au contraire demeurer froid, indifférent, presque bureaucratique.
La suite ne réserve pas de surprise particulière, sauf dans les dernières minutes, quand le Compositeur se suicide d’un coup de couteau, avant de se relever, la musique terminée, pour bien montrer qu’il s’agissait seulement d’une blague, comme le confirment les applaudissements nourris de la troupe.
L’Opéra proprement dit se déroule entre des panneaux rectangulaires : un en surplomb, deux sur les côtés, un au fond, susceptible de s’ouvrir et de se refermer. Au centre, une plate-forme circulaire représente l’île de Naxos, à demi dissimulée par une forêt de cônes renversés d’une teinte bleuâtre, censés figurer la mer Égée.
Dans ce cadre abstrait, la plainte initiale d’Ariadne perd une bonne part de son impact, en raison de la gestuelle emphatique imposée par Frederic Wake-Walker à Krassimira Stoyanova. La farce jouée par les personnages de la commedia dell’arte échappe au statisme, seulement grâce aux dons d’actrice de Sabine Devieilhe. Le duo Ariadne/Bacchus, enfin, abandonne à eux-mêmes les chanteurs, contraints de se réfugier dans leur panoplie habituelle d’attitudes et d’expressions.
Passons sur les projections vidéo supposées enrichir le tableau final (figures géométriques, étoiles, galaxies, feux d’artifice…), d’une banalité affligeante, pour regretter surtout l’absence de continuité entre l’Opéra et le Prologue, qui semblent appartenir à deux spectacles différents. Frederic Wake-Walker n’exploite aucune des perches tendues par Strauss et Hofmannsthal en la matière, se contentant de la plus plate convention, jusque dans la caractérisation des personnages (le Maître à danser homosexuel, devenu un cliché des mises en scène d’Ariadne auf Naxos !).
Malgré l’effectif orchestral réduit imposé par le compositeur, la direction de Franz Welser-Möst sonne constamment pesante et tragique, sans rien de la légèreté, de la transparence et de l’ironie que l’on attend ici. Le chef autrichien a même la main tellement lourde qu’il en vient à couvrir les chanteurs !
Krassimira Stoyanova déploie le timbre onctueux et l’émission homogène qu’on lui connaît. Ce n’est pas de sa faute si, faute d’indication du metteur en scène, sa caractérisation d’Ariadne demeure superficielle. En Zerbinetta, Sabine Devieilhe est vocalement précise et expressive, même si elle n’a pas tout à fait le volume nécessaire pour s’imposer dans une salle aussi vaste que la Scala.
Daniela Sindram, en revanche, offre un pâle Compositeur, incapable d’exprimer la fièvre créatrice et les contradictions du personnage. Bacchus médiocre de Michael König, à la voix grisâtre et sans projection, le Maître de musique de Markus Werba méritant une mention parmi la foule des seconds plans.
PAOLO DI FELICE
PHOTO © TEATRO ALLA SCALA/BRESCIA/AMISANO