Robe vert sombre de taffetas moiré, dont un étincelant collier (cela aura son importance) relève la gravité mystérieuse, Renée Fleming prête son concours exceptionnel au concert donné par le NDR Elbphilharmonie Orchester, sous la direction musicale de son chef principal, Alan Gilbert. « La joie est revenue » : ces derniers mots de Prière exaucée (neuvième des Poèmes pour Mi) signent la soirée.
Délaissé en France, le grand cycle d’Olivier Messiaen (1908-1992) nous revient donc grâce à deux artistes américains, qui l’avaient déjà enregistré pour Decca, en 2011. Dans sa version orchestrée, Poèmes pour Mi accomplit l’affirmation du compositeur : « J’ai toujours écrit des poèmes pour la musique. » Sa tension interne révèle l’affrontement entre l’amour mystique et un amour terrestre voué à la dissolution inéluctable.
Pour Action de grâces, la voix de Renée Fleming se glisse entre les accords orchestraux, puis jaillit en vocalise sur l’« Alleluia » final. Technique exemplaire, souffle inépuisable, la cantatrice sait mettre en pleine lumière son français parfait. Avec Paysage et La Maison, jamais descriptifs ou pittoresques, la ligne sinueuse se déploie en une toute simple chanson. Épouvante, enfin, affronte la nécessité du drame dans la continuité du grave, très projeté, l’aigu infaillible évoquant « les puissances du feu ».
Avec le Deuxième Livre, L’Épouse et Ta voix s’adonnent au lyrisme. Les Deux Guerriers, dont le farouche affrontement conduit aux portes de la Ville céleste, dans une fluidité parfaite du do grave au la aigu, Le Collier, puis Prière exaucée, où l’intervention du carillon conduit au la fortissimo de « résurrection », confirment que l’accord de la soprano, du chef et de l’orchestre est miraculeux.
La présence des cordes, la douceur des bois, l’intensité des cuivres, la précision rythmique, font de cette première partie de la soirée un moment indépassable, longuement acclamé par le public transporté. Une fillette se fraie le chemin pour offrir l’hommage d’une rose à Renée Fleming.
En deuxième partie, la somptueuse construction qu’élève la Symphonie n° 4 d’Anton Bruckner (1824-1896), offre une démonstration implacable de la virtuosité de chaque pupitre et de la maîtrise impressionnante d’Alan Gilbert.
PATRICE HENRIOT
PHOTO © DECCA ANDREW ECCLES