Salle Favart, 20 juin
Offenbach naît à Cologne, le 20 juin 1819. Deux cents ans tout juste se sont écoulés lorsque l’Opéra-Comique, en coproduction avec le Palazzetto Bru Zane, l’Opéra de Limoges et le Théâtre de Caen, affiche Madame Favart.
Un ouvrage tardif, créé aux Folies-Dramatiques, le 28 décembre 1878, et qui peut déconcerter ; car délaissant l’« opéra-bouffe », qui avait fait son succès dans les années 1860, et l’« opéra-féerie », qui l’avait remis en selle après sa disgrâce provoquée par la guerre franco-prussienne de 1870, le compositeur se tourne vers l’« opéra-comique » – moins de délire loufoque, moins de satire caustique, un peu plus de sentiment.
Quoi qu’il en soit, et malgré un acte d’exposition un rien longuet, truffé de dialogues copieux et bavards, la partition recèle de bien jolies choses : les « Couplets » de Suzanne, à l’acte I, ceux de Favart, au II, et les deux airs de l’héroïne, dont le spirituel « Menuet de la vieille », encore plus savoureux lorsqu’il n’est pas isolé de son contexte. Et même si Offenbach reprend des formules qu’il a largement exploitées – un finale du II qui ressemble comme deux gouttes d’eau à celui du II d’Orphée aux Enfers –, son hommage à Justine Favart (1727-1772), l’une des plus illustres comédiennes-chanteuses-danseuses du XVIIIe siècle, ne manque pas de charme.
Sauf erreur, ce sont les débuts d’Anne Kessler, sociétaire de la Comédie Française, au théâtre lyrique. Des débuts en demi-teinte : elle livre un travail d’artisan, probe et sérieux, mais sans grande imagination et tellement conventionnel qu’il frôle plusieurs fois l’ennui, et surtout, sans cet instinct du « timing » pourtant essentiel ici.
Les didascalies du premier acte situent l’action dans une auberge ; mais l’élégant décor d’Andrew D. Edwards lui préfère un atelier de couture. Il faut lire le programme de salle pour comprendre que c’est en fait l’atelier de costumes de l’Opéra-Comique, salut à la maison mais aussi à Justine, révolutionnaire en matière de vêtements pour la scène. Une « mise en abyme » de l’œuvre, sans doute, mais dont on voit mal l’efficacité.
On ne peut que décerner des compliments au Chœur de l’Opéra de Limoges, à l’Orchestre de Chambre de Paris, vif et nerveux, et à Laurent Campellone, dont la direction alerte et pétillante saisit toutes les facettes de la musique, la gaieté, l’humour, la tendresse.
Marion Lebègue campe une héroïne délurée ; son mezzo, charnu dans le grave, a tendance à s’amincir dans l’aigu, et surtout, son élocution est des plus défectueuses. La grande voix sonore du baryton Christian Helmer est surdimensionnée pour le rôle de Favart, et le comédien pourrait davantage s’investir dans son personnage.
Le ténor François Rougier incarne un Hector au chant péremptoire, qui pourrait aborder avec plus de souplesse les notes les plus élevées. Entendre et voir Anne-Catherine Gillet est toujours un délice ; la silhouette est ravissante, le jeu d’actrice spontané, le timbre lumineux, la ligne vocale soignée.
Raphaël Brémard campe un amusant Larose. Le duo Franck Leguérinel/Lionel Peintre est désopilant ; quant à Éric Huchet, il rafle la mise avec son impayable Pontsablé.
Madame Favart est de retour chez elle ; malgré les siècles et quelques rides, elle conserve encore des attraits.
MICHEL PAROUTY
PHOTO © S. BRION