Comptes rendus Macerata fête ses 100 ans avec Aida
Comptes rendus

Macerata fête ses 100 ans avec Aida

16/09/2021

Arena Sferisterio, 23 juillet

Construite dans les années 1820, pour un jeu de balle proche de la pelote basque, l’Arena Sferisterio s’ouvre à l’opéra en 1921, à l’initiative d’un riche aristocrate, le comte Pier Alberto Conti. Épris de la soprano Francesca Solari, qu’il finira par épouser, il programme à son intention une série de représentations d’Aida, en invitant le ténor Alessandro Dolci pour Radamès.

Pour fêter dignement le centenaire de sa naissance, le « Macerata Opera Festival » se devait de monter une nouvelle production (la seule de l’été au Sferisterio) de l’antépénultième opéra de Verdi, dont on célèbre aussi, en 2021, le 150e anniversaire de la création (Le Caire, 24 décembre 1871). Barbara Minghetti, la directrice artistique, l’a confiée à la metteuse en scène argentine Valentina Carrasco, surtout connue pour sa longue collaboration avec le collectif espagnol La Fura dels Baus.

L’action, comme souvent désormais, est transposée à l’époque de l’ouverture du canal de Suez. Selon la note d’intention publiée dans le programme de salle, celle-ci marque le début de la colonisation moderne et conduit à la formation de trois groupes sociaux : les Européens et les dignitaires ottomans ; les Égyptiens ; et les peuples subsahariens.

« Aida est davantage liée à ces thèmes qu’aux Pyramides », explique Valentina Carrasco, dont la vision s’enrichit d’une référence à l’oléoduc, « produit de la technologie humaine encore au centre des guerres actuelles ». L’essentiel du plateau est donc occupé par des monticules de sable, qui deviennent le théâtre d’un véritable choc des civilisations : d’un côté, les colonisateurs ; de l’autre, les « indigènes ».

Les premiers jouent au golf, tout en montant d’ambitieux projets d’exploitation de gisements pétrolifères ; les seconds triment sans relâche, sous la surveillance de gardes-chiourme qui n’hésitent pas à les fouetter, pour accélérer la cadence. Sans surprise, le « triomphe » de la fin du II ne célèbre plus une victoire militaire, mais l’achèvement du premier puits. Quant à Aida et Radamès, ils ne meurent plus d’asphyxie, mais d’empoisonnement par les vapeurs de pétrole.

Et les personnages, dans tout cela ? Amneris est une dame de la haute société fort capricieuse, et Aida une Égyptienne à son service, toujours prête à lui apporter un cocktail ou un club de golf…

Bien sûr, il est inutile de pointer les hiatus entre ce que l’on voit et le texte du livret : ils sont innombrables. Mieux vaut suivre ce qu’on nous montre, en reconnaissant que le concept fonctionne et, surtout, ne fait pas obstacle au développement de l’action musicale, les superbes lumières de Peter van Praet créant des atmosphères particulièrement suggestives sur l’immense mur du Sferisterio.

Au crédit du chef italien Francesco Lanzillotta, on portera le souci de continuité de la narration et d’équilibre entre fosse et plateau – un vrai défi, avec des cordes et des vents « distancés » pour respecter les normes sanitaires, et des chœurs masqués. Le directeur musical du Festival s’attache particulièrement aux passages d’intimité, en réussissant à atténuer le volume de l’Orchestra Filarmonica Marchigiana, sans pour autant négliger le fracas des tableaux de foule.

Maria Teresa Leva campe une Aida toute de soumission et de retenue et, en ce sens, elle colle parfaitement à la démarche du chef et de la metteuse en scène. Son timbre est beau, sa technique aguerrie, et sa science des pianissimi fait merveille dans le redoutable air « du Nil », couronné d’une impeccable montée au contre-ut.

Reste que son soprano, plus lyrique que dramatique, souffre dans les moments de tension, pour quasiment disparaître dans les ensembles. On ne saurait trop conseiller à cette artiste prometteuse de se tenir désormais à l’écart d’Aida, surtout dans un théâtre de plein air.

Avec son timbre chaud et riche d’harmoniques, son solide bagage technique, sa capacité à nuancer, Luciano Ganci se confirme l’un des ténors les plus intéressants de la jeune génération. Dommage qu’en Radamès, il préfère souvent se cantonner dans une déclamation de stentor, qui donne une image erronée de ses possibilités et rend fibreux certains de ses aigus.

Veronica Simeoni ne manque pas de qualités, mais elle ne devrait pas chanter Amneris. Privé de résonance dans le médium et le grave, l’instrument perd toute stabilité dans l’aigu, avec de douloureux défauts d’intonation, en particulier au début de l’acte IV, et des si bémol proches du hurlement.

Voix bien émise, chaleureuse et nuancée, Marco Caria campe un Amonasro noble et fier. Alessio Cacciamani, en revanche, offre un Ramfis engorgé, au grave fragile et à l’aigu poussif – on lui préfère le Roi de Fabrizio Beggi. Francesco Fortes est un Messager simplement correct, Maritina Tampakopoulos tirant son épingle du jeu en Prêtresse.

ERMANNO CALZOLAIO

PHOTO © TABOCCHINI/ZANCONI

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