Piazza del Popolo, 19 août
À tout seigneur, tout honneur. Le récital de Karine Deshayes se devait de commencer par Rossini. Mais curieusement, pour ce qui fait un peu figure d’examen de passage, c’est par le Rossini « buffo » plutôt que « serio » (abordé avec bonheur, ces dernières années) que la cantatrice française a choisi de l’ouvrir.
Sa Rosina d’Il barbiere di Siviglia (« Una voce poco fa ») se situe dans un juste équilibre entre ses deux tessitures ambivalentes, mezzo aigu et soprano lyrique central. Si elle y fait valoir de belles variations personnelles et un style de haute école, elle laisse entendre aussi, et ce tout au long du concert, un grave artificiel et poitriné.
Certes, la voix, claire et veloutée, est desservie par la sonorisation, qui donne à ses aigus une dureté dont nous savons qu’ils ne l’ont pas au naturel. Mais surtout, l’artiste semble se contrôler en permanence : au-delà d’une technique accomplie, elle ne se lâche jamais vraiment.
Si, dans La Cenerentola (« Nacqui all’affanno »), sa douceur foncière s’allie remarquablement au personnage, un supplément d’autorité ne nuirait pas au grand air à variations d’Armida (« D’amore il dolce impero »), ni une franche exultation au rondo final de La donna del lago (« Tanti affetti »).
En deuxième partie, Karine Deshayes choisit d’abord Bellini et Donizetti (Romeo d’I Capuleti e i Montecchi et Elisabetta dans Maria Stuarda). Mais c’est dans deux airs tragiques de Gounod, extraits de Sapho et La Reine de Saba, que la chanteuse s’épanouit pleinement, laissant parler la beauté instrumentale de son timbre et son sens raffiné de la ligne.
Nikolas Nägele, qui l’accompagne à la tête de l’orchestre Filarmonica G. Rossini, n’a pas la souplesse et la légèreté de la baguette de Michele Spotti. Il donne pourtant un superbe relief à l’Ouverture d’Armida, malgré un cor légèrement vacillant, et se montre solide partout ailleurs (sinfonie d’Il Turco in Italia, de La Cenerentola et d’I Capuleti e Montecchi).
Au public visiblement comblé et conquis, Karine Deshayes offre, en bis, une version pleine de piquant des Filles de Cadix de Delibes. Elle sera, à n’en pas douter, accueillie avec un préjugé favorable, l’année prochaine, pour cette Elisabetta, regina d’Inghilterra initialement prévue cet été – si, comme on l’espère très vivement, le Festival peut reprendre le cours normal de ses productions.
ALFRED CARON
PHOTO © STUDIO AMATI BACCIARDI