1 CD Erato 0190296676895
Par sa diversité, le programme de ce récital, gravé en studio, en septembre 2020, intrigue et déconcerte. Il repose, pour l’essentiel, sur les deux versants des Pyrénées et se partage équitablement entre la France et l’Espagne.
Carmen occupe une place de choix dans ces échanges interfrontaliers. Mais il y a aussi, à ses côtés, la Périchole (tout juste revenue du Pérou ?), Dulcinée (Don Quichotte) et Concepcion (L’Heure espagnole). Sans oublier, pour souligner davantage la couleur locale, quelques confiseries hispaniques, de Ravel (Chanson espagnole), Massenet (Nuit d’Espagne) et Saint-Saëns (El Desdichado).
Y répondent, en castillan ou en catalan, des mélodies de Guridi (quatre des Seis canciones castellanas), de Mompou (cycle entièrement orchestré du Combat del somni), et un air de Salud dans La vida breve de Falla. Tout cela forme un ensemble quelque peu hétéroclite, qui tient principalement par la qualité de l’interprétation de Marianne Crebassa.
Avec beaucoup de classe et une force dramatique incontestable, la mezzo française circule en souveraine à travers ce que d’autres cantatrices, moins douées, auraient vite transformé en « auberge espagnole », dans tout ce que ce terme peut avoir de péjoratif.
Les trois morceaux qu’elle a choisis (« Habanera », « Séguedille », « Chanson bohème ») laissent déjà deviner la Carmen solaire qu’elle nous proposera, on l’espère, très bientôt. Non point la séductrice au maquillage trop marqué, mais une jeune femme libre, qui ne redoute pas le regard des hommes.
Bien moins connues en France, les mélodies de Mompou et Guridi montrent avec quelle intelligence Marianne Crebassa aborde un répertoire qui, jusqu’à présent, a surtout été le terrain d’élection des divas espagnoles (Victoria de los Angeles, Teresa Berganza, Montserrat Caballé…). Là encore, le ton est juste, vif et chaleureux à la fois.
Afin d’accomplir ce voyage « tras los montes », Marianne Crebassa bénéficie d’accompagnateurs de tout premier choix : Ben Glassberg (à la tête de l’Orchestre National du Capitole de Toulouse), Alphonse Cemin (au piano) et Thibaut Garcia (à la guitare). Mais aussi quelques partenaires ponctuels, en tête desquels il faut citer Stanislas de Barbeyrac (Don José, Piquillo) et Adriana Gonzales (pour El Desdichado).
Enfin, fallait-il intituler l’album Séguedilles, alors qu’il comprend d’autres rythmes fort différents ? On oublie vite cette question de principe, en compagnie d’une chanteuse française qui évolue avec aisance dans ces jardins d’Espagne.
PIERRE CADARS