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Comptes rendus

Le premier Lohengrin de Roberto Alagna à Berlin

13/01/2021

Staatsoper Unter den Linden/Arte, 13 décembre

Il l’a fait. Était-ce pour autant bien nécessaire ? Deux ans après le rendez-vous manqué de Bayreuth, le premier Lohengrin de Roberto Alagna n’arrive-t-il d’ailleurs pas un peu tard dans une carrière exclusivement vouée aux répertoires français et italien ? Et pas seulement parce que ses fans les plus inconditionnels ont dû rester éveillés jusqu’au milieu de la nuit, pour avoir la primeur d’une retransmission déraisonnablement tardive…

La voix du ténor est certes en meilleur état que lors du gala de la Scala, le 7 décembre (voir O. M. n° 168 p. 37 de janvier 2021). Mais est-ce l’application qu’il met à prononcer l’allemand – sans en dominer la prosodie –, l’absence de public et de contact avec ses partenaires, distanciation physique oblige, les exigences, notamment d’endurance, propres à Wagner, qui ne lui sont absolument pas naturelles ?

Toujours est-il que le Chevalier au cygne semble marcher sur des œufs – sans éviter d’en casser quelques-uns, dès une entrée à l’intonation vacillante. Bien sûr, le legato, quelques beaux et francs éclats sont d’un artiste majeur, mais l’expérience, s’il ne la renouvelle pas dans un contexte plus propice, restera anecdotique.

Le vibrato serré, les élans timides de Vida Mikneviciute, remplaçant Sonya Yoncheva, laissent d’abord circonspect. Cette Elsa s’assouplit cependant au fil de la soirée, pour s’affirmer enfin dans le duo du III. D’une clarté qui tend fugacement vers le ténor de caractère, le Telramund vigoureusement projeté de Martin Gantner n’en donne que plus de relief aux mots.

Sur la lancée de sa renversante Fricka du Ring « pour les micros », à l’Opéra Bastille, Ekaterina Gubanova s’empare d’Ortrud avec la hargne flamboyante d’un mezzo qui se tend pour mieux frapper, mais jamais ne rompt sur des hauteurs que nombre de ses devancières auront escamotées.

Mieux vaut oublier, en revanche, le Héraut nasal et braillard d’Adam Kutny, et ne pas s’attarder sur un René Pape à court d’aigus, et dont le Roi semble, plus d’une fois, s’irriter du tremblement de la main gauche que lui inflige la mise en scène de Calixto Bieito.

Sans doute sera-t-il bien temps de chercher à en décrypter le propos, lorsqu’elle sera reprise dans des conditions censément normales. À l’écran, elle est d’une laideur qui ne parvient même plus à agacer, ridiculement hermétique, et surtout désespérément rébarbative – espérons que le Ring que l’Opéra National de Paris garde dans ses réserves, pour une création ultérieure, sera d’un autre niveau.

Inattendu au pupitre, car indissociable de la musique contemporaine, Matthias Pintscher se révèle parfaitement à l’aise, raffinant le détail tout en attisant le drame, face à un orchestre dont la densité sonore fait très vite oublier qu’il est en effectif quasi chambriste.

Va pour les choristes espacés, dès lors que rien ne peut entamer leur cohésion, mais impossible, décidément, de se résoudre au silence dans lequel s’achève la représentation. Mal nécessaire, pis-aller ? Il est vital, pour l’avenir du spectacle vivant, de ne pas s’en satisfaire !

MEHDI MAHDAVI

PHOTO © MONIKA RITTERSHAUS

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