Théâtre des Champs-Élysées, 7 octobre
Ils sont venus, ils sont tous là, les fidèles des productions du Palazzetto Bru Zane, à commencer par Hervé Niquet – le bouillant chef d’orchestre n’est pas, ce soir, à la tête de son Concert Spirituel, même s’il est avec son chœur, mais tient sous sa baguette un Orchestre de Chambre de Paris vif et brillant, qu’il mène avec pertinence et justesse dans des styles pour le moins contrastés.
Les chanteurs ont répondu à l’appel : sopranos (Véronique Gens, Lara Neumann, Ingrid Perruche, Chantal Santon Jeffery, Judith van Wanroij), mezzo-soprano (Marie Gautrot), ténors (Rodolphe Briand, Cyrille Dubois, Edgaras Montvidas, Flannan Obé) et barytons (Tassis Christoyannis, Antoine Philippot, ce dernier également irrésistible mime). Mais aussi Pierre Cussac à l’accordéon, et Vincent Leterme au piano.
En guest-star, le harpiste Emmanuel Ceysson, pour un éblouissant Concertstück de Gabriel Pierné. Et, en super-star, Olivier Py, roi du travestissement en fausse Marilyn platinée et, surtout, en Bettina dans La Mascotte d’Edmond Audran, où ses dindons déchaînés s’acoquinent avec les moutons énamourés de Rodolphe Briand.
Mais n’oublions surtout pas ceux pour lesquels tous ces efforts sont déployés : les compositeurs. Jean-Baptiste Lemoyne et sa Phèdre, incarnée de façon poignante par Judith van Wanroij ; Victorin Joncières et son Lancelot, dont Véronique Gens et Cyrille Dubois offrent un duo inspiré ; Fromental Halévy et son Charles VI, dont Chantal Santon Jeffery distille une délicieuse « Villanelle » ; Benjamin Godard et son Dante, pour lequel Véronique Gens rejoint Edgaras Montvidas ; Étienne-Nicolas Méhul, pour le finale de l’acte I d’Adrien et Ludwig Wenzel Lachnith, qui ose transformer Die Zauberflöte en Mystères d’Isis.
L’astucieuse mise en espace mitonnée par Romain Gilbert oppose deux camps qui résument les répertoires du Palazzetto Bru Zane : au jardin, les tragiques, Gens, Dubois, Gautrot, van Wanroij, Christoyannis, Montvidas, Santon Jeffery ; à la cour, les comiques, Perruche, Neumann, Briand, Obé, Philippot. Flannan Obé et Lara Neumann dans un délirant Faust et Marguerite de Frédéric Barbier, c’est un régal, tout comme Rodolphe Briand détaillant l’improbable J’viens de perdre mon gibus de l’ineffable Félix Chaudoir et Ingrid Perruche dans un extrait des Chevaliers de la Table ronde d’Hervé.
Il fallait bien une note de poésie dans ce monde donnant l’impression de danser sur un volcan : Tassis Christoyannis l’apporte avec Extase de Camille Saint-Saëns. Rares sont ceux qui chantent la mélodie française aussi bien que lui. Enfin, La Vie parisienne d’Offenbach réunit toute cette troupe d’un soir.
Accueil enthousiaste du public, remerciements au docteur Nicole Bru, mécène grâce à laquelle l’aventure fut possible. Gageons qu’elle continue longtemps encore : le patrimoine musical français ne saurait s’en passer.
MICHEL PAROUTY
PHOTO © PALAZZETTO BRU ZANE/NICOLA BERTASI