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Comptes rendus

Le nouveau Vaisseau rate son accostage à New York

31/03/2020

Metropolitan Opera, 6 mars

On espérait beaucoup de François Girard pour cette nouvelle production, rodée au Festival d’opéra de Québec, en août 2019. D’abord parce que le réalisateur canadien avait signé un excellent Parsifal, ici même, en 2012. Ensuite parce que les deux plus récentes mises en scène de Der fliegende Holländer au Met n’avaient pas été couronnées de succès.

Le « rêve du Pilote » imaginé par Jean-Pierre Ponnelle, en 1979, avait été accueilli par de telles bordées de sifflets (le Hollandais de José van Dam excepté) que la direction n’avait plus jamais osé reprendre le spectacle, préférant en commander un nouveau à August Everding, en 1989. Rien de particulièrement enthousiasmant dans cette transposition de l’intrigue à la fin de la révolution industrielle, mais une production au moins facile à reprendre (on l’a vue, pour la dernière fois, en mai 2017).

Avouons, hélas, notre vive déception devant le travail de François Girard. Le traitement visuel, dont on attendait beaucoup, est le plus souvent conventionnel, quand il ne s’avère pas contre-productif. Ainsi de ces longues cordes descendant des cintres pour le tableau des fileuses, certes esthétiques, mais qui volent la vedette à Senta dans sa « Ballade ». Ou, pire encore, de ce Hollandais constamment épuisé, toujours prêt à s’affaisser sur un siège, suivi par une ombre gigantesque ressemblant davantage à King Kong qu’à un vaisseau fantôme.

Les projections de Peter Flaherty sont techniquement impressionnantes, mais conviendraient davantage à un « pops concert » dans un planétarium. La robe rouge de Senta est la seule touche de couleur émergeant des ténèbres ambiantes, avec le mystérieux objet, ressemblant à une lanterne, que le Hollandais brandit tel Diogène. Peut-être est-il à la recherche d’une mise en scène digne de ce nom… Ce soir, la direction d’acteurs est aux abonnés absents, avec un couple central abandonné à lui-même dans son sublime duo d’amour (« Wie aus der Ferne »).

Comme beaucoup de productions du Met sous le règne de Peter Gelb, celle-ci est, de surcroît, handicapée par une chorégraphie inutilement intrusive. L’Ouverture n’a réellement pas besoin des contorsions soi-disant modernes d’une danseuse habillée comme Senta qui, au lieu de lui apporter un supplément de vie, la rendent paradoxalement interminable.

Valery Gergiev, il est vrai, n’arrange rien, avec de longues et inexplicables pauses entre les sections de cette introduction orchestrale, aussi célèbre qu’indispensable à la mise en condition de l’auditeur. La suite de la soirée souffre d’une espèce de léthargie, plus particulièrement sensible dès que le tempo se ralentit, retirant à la partition l’essentiel de sa tension dramatique.

Que dire, également, d’un chef ne levant quasiment jamais les yeux de sa partition et n’offrant aucun soutien aux instrumentistes, ni aux chanteurs ? En 2000, Gergiev avait déjà dirigé l’ouvrage au Met, avec James Morris et Nina Stemme (en débuts in loco) dans les rôles principaux. Le résultat était certes inégal, mais incomparablement plus excitant que ce que l’on entend, vingt ans plus tard.

Le forfait de Bryn Terfel, quelques semaines avant la première, a privé la production d’un de ses atouts maîtres. Pour le remplacer, Valery Gergiev a fait appel à son vieux complice Evgeny Nikitin, Klingsor adéquat ici même, en 2012, mais en deçà des exigences du Hollandais dans une salle aussi vaste. Ni la personnalité, ni l’endurance, ni la qualité de l’allemand ne sont au rendez-vous : plus la représentation avance, plus la voix accuse des raucités gênantes et un souffle trop court.

Comme d’autres sopranos wagnériennes et straussiennes dans une période récente, Evelyn Herlitzius et Camilla Nylund en tête, Anja Kampe fait son entrée au Met dix ans trop tard. Elle connaît sa Senta, s’engage avec ce qu’il faut d’énergie et de tempérament, et certains passages sont vraiment superbes. Mais l’aigu, les nombreux si bémol en particulier, est souvent trop proche du cri.

Franz-Josef Selig a-t-il, lui aussi, passé son zénith ? L’émission n’est plus aussi stable qu’autrefois, ce qui n’empêche pas la basse allemande de camper un Daland solidement inscrit dans la tradition, avec un timbre toujours sonore et un phrasé parfaitement idiomatique.

Aux côtés de la pâle Mary d’une Mihoko Fujimura à court de projection, les deux ténors tirent bien leur épingle du jeu. Sergey Skorokhodov apporte à Erik une voix lumineuse et un legato surveillé (son duo avec Anja Kampe constitue le sommet de la soirée), tandis que David Portillo dessine un Pilote clair et musical.

Très mal dirigés par le metteur en scène, les chœurs masculins du Met n’en restent pas moins irréprochables. Davantage que leurs collègues féminines, qui manquent de fraîcheur.

François Girard est annoncé pour un nouveau Lohengrin dans l’une des prochaines saisons du Met. Espérons qu’il se montrera, cette fois, à la hauteur de l’enjeu et de sa réputation.

DAVID SHENGOLD

PHOTO © METROPOLITAN OPERA/KEN HOWARD

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