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Comptes rendus

Le magnifique anniversaire de Riccardo Muti à Salzbourg

08/09/2021

Grosses Festspielhaus, 15 août

L’été des 80 ans de Riccardo Muti (né à Naples, le 28 juillet 1941), l’anniversaire de ses cinquante années de présence au Festival (avec deux cent soixante-dix prestations, dont cent cinquante à l’opéra, et cent vingt pour les concerts !), et la première Missa solemnis de sa carrière… Tout concourait à faire de la seconde des trois exécutions de l’œuvre de Beethoven, le 15 août, de surcroît, en matinée, et avec l’encadrement grandiose des cloches de la cathédrale, un moment tout à fait exceptionnel. Tel qu’il s’est concrétisé, de fait.

Mieux encore que pour la Symphonie n° 9, inaugurée l’été précédent (voir O. M. n° 165 p. 59 d’octobre 2020), Riccardo Muti construit, sans pathos ni ostentation, un monument longuement étudié et préparé, pour un message humaniste qui correspond, sans doute, au plus profond de sa personnalité.

Impeccable précision assurément, et maîtrise parfaite des contrastes, mais tenue souveraine surtout, qui rejoint l’inspiration, à maints égards déroutante autant qu’intimidante, d’un Beethoven apparemment paradoxal : étudiant longuement les maîtres du passé, et prêtant une attention minutieuse au texte latin, sans rien renier pourtant de sa personnalité.

Wilhelm Furtwängler ou Arturo Toscanini, beethovéniens plus qu’éminents, s’y sont rarement risqués. Riccardo Muti, qui y voit une des œuvres les plus complexes de l’histoire de la musique, l’a fait, et réussi ! Avec des tempi modérés, mais une constante et sourde tension dans le Kyrie, un contraste éclatant dans le Gloria, mais particulièrement impressionnant dans la toujours stupéfiante introduction orchestrale du Sanctus.

Avec autant d’éléments d’exception, à commencer par un orchestre (Wiener Philharmoniker) en état de grâce, et tout spécialement un premier violon d’excellence pour les longs discours du Benedictus, au temps suspendu. Et non moins le chœur (Konzertvereinigung Wiener Staatsopernchor), préparé par Ernst Raffelsberger.

Les quatre solistes sont placés, à raison, juste devant lui, derrière l’orchestre, assurant à la perfection une continuité voulue par la partition. Alors que les réputations sont inégales, l’homogénéité est parfaite, et l’alliance de timbres idéale.

Dmitry Korchak ouvre le Kyrie avec une luminosité archangélique, mais d’une exemplaire sobriété et sans tentation d’effet belcantiste, où pourtant il est maître. Placée judicieusement à côté de lui, Alisa Kolosova lui apporte le contrepoint d’un médium somptueusement cuivré. Rosa Feola surprend par la maturité d’un chant aussi puissant que transparent. La prestation, plus discrète d’abord, d’Ildar Abdrazakov ne fait que mieux valoir la sombre évocation du règne de Pilate dans le Credo, où ses ressources de basse profonde font merveille, puis la très somptueuse ouverture de l’Agnus Dei.

Avec une salle recueillie, au silence éloquent, on voudrait croire qu’on a là la version de référence de l’œuvre. L’enregistrement en direct, ce jour même, permettra d’en juger.

FRANÇOIS LEHEL

PHOTO © SALZBURGER FESTSPIELE/MARCO BORRELLI

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