Impossible de ne pas revenir sur le feuilleton de la nomination du futur directeur de l’Opéra National de Paris. Le 17 janvier, en effet, le ministère de la Culture a publié un communiqué de presse aussi prometteur que frustrant.
On y lit d’abord que « le ministre de la Culture a décidé d’engager le processus de sélection du directeur général ou directrice générale qui succèdera à Stéphane Lissner au terme de son mandat, en août 2021». Curieuse formulation dans la mesure où ce processus est engagé depuis de nombreux mois et où la presse s’en est fait l’écho, à commencer par Opéra Magazine, dans les éditoriaux des numéros 143 et 145.
Tout semble, en revanche, indiquer que c’est le ministère de la Culture qui a repris la main, après avoir longtemps laissé le champ libre à l’Élysée – impression confirmée par le rappel qui suit : « Le directeur général de l’Opéra National de Paris est nommé par décret du président de la République, sur proposition du ministre de la Culture ». C’est un point positif et on espère que cela évitera les guéguerres Élysée/ministère ayant marqué, par le passé, les nominations à la tête des institutions culturelles publiques.
La suite du communiqué est encore plus intéressante, puisqu’il s’agit d’une définition des missions, comme dans un avis de vacance de poste ordinaire, complétée par un paragraphe ainsi rédigé : « Afin d’éclairer son appréciation sur les candidatures, le ministre de la Culture a décidé de mettre en place un comité d’audition composé de : Jean-Pierre Clamadieu, président du conseil d’administration de l’établissement, et président du comité ; Laurent Bayle, directeur général de la Cité de la Musique-Philharmonie de Paris ; James Conlon, chef d’orchestre ; Sylviane Tarsot-Gillery, directrice générale de la création artistique du ministère de la Culture ; Sasha Waltz, chorégraphe et danseuse. »
Si on comprend bien, il y aura donc candidatures officielles et audition des candidats par un comité consultatif. Une première, le processus de recrutement du directeur de l’Opéra National de Paris étant traditionnellement conduit sous le manteau par les pouvoirs publics, entre prises de contact informelles et conciliabules tenus secrets jusqu’à la décision finale. Ce qui explique pourquoi la machine à rumeurs s’est emballée depuis l’annonce de la non-reconduction de Stéphane Lissner (la liste des noms qui circulent est longue !). Pourquoi, aussi, certains directeurs, quand vous les rencontrez, peuvent vous jurer, « les yeux dans les yeux », qu’ils ne sont pas candidats…
Le nouveau système a le mérite de rendre le processus de sélection plus transparent. En même temps, il oblige les prétendants à sortir du bois, ce dont tous n’ont pas forcément envie. Car se porter officiellement candidat n’est pas du tout la même chose que faire campagne en coulisse ! Quand bien même il est décidé de ne pas rendre publique la liste des « auditionnés », le risque de fuite est, en effet, beaucoup plus important.
Tout est-il, pour autant, aussi simple qu’il y paraît ? Il manque quand même plusieurs éléments dans le document du 17 janvier, à commencer par la procédure à suivre pour se porter candidat et la date limite pour le faire. Contacté, le ministère nous a répondu que les prétendants devaient se manifester auprès du président du comité d’audition, sans qu’une date butoir soit fixée. Pas d’appel à candidature « classique », donc, comme c’est actuellement le cas pour la succession de Serge Dorny à la tête de l’Opéra de Lyon (www.opera-lyon.com/fr/offre-demploi/directeur-directrice-generale-de-lopera-de-lyon).
Quels que soient les détails du processus et la décision finale, l’essentiel est, plus que jamais, d’aller vite. Car, comme le rappelle le communiqué, le nouveau directeur aura la charge de programmer la saison 2021-2022, qui s’ouvre dans seulement deux ans et demi. Si l’on veut s’assurer la présence sur l’affiche des vedettes du moment, il faut s’y prendre dans les prochains mois… ou jamais. En effet, le Met, le Covent Garden, les Staatsoper de Berlin, Munich et Vienne, eux, en sont déjà à distribuer 2022-2023, voire 2023-2024 !
L’avenir ne devant en aucune manière occulter le passé, je ne saurais terminer cet éditorial sans évoquer la disparition de Theo Adam, le 10 -janvier dernier. Opéra Magazine rendra hommage à l’imposant baryton-basse allemand, Wotan, Hollandais et Pizarro de légende, dans son prochain numéro.
RICHARD MARTET
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