Beethoven : Missa solemnis

1 CD Harmonia Mundi HMM 902427

Cela fait plus de trente ans que des chefs venus du baroque ont abordé la Missa solemnis de Beethoven. Après John Eliot Gardiner, Nikolaus Harnoncourt et Philippe Herreweghe, René Jacobs en livre une version captivante, gravée en studio, en mai 2019, en marge d’une tournée passant notamment par la Philharmonie de Paris.

Captivante, d’abord, parce qu’elle redonne à entendre – et sans aucun des effets ou suraccentuations que l’on peut parfois reprocher au chef belge – ce que cette musique a de proprement inouï. Grâce à un travail extraordinaire sur les sonorités et l’intonation, le Freiburger Barockorchester nous fait redécouvrir mainte page.

L’une des forces de René Jacobs est, en effet, d’assumer les « multiples strates stylistiques » de l’ouvrage sans vouloir unifier à l’excès, de ne pas chercher à en atténuer les aspérités. Il sert ainsi ses dimensions multiples, parfois jugées contradictoires, comme le dramatisme (Agnus Dei) et le mysticisme (Benedictus).

Conscient des profondes réflexions théologiques que l’écriture de cette messe entraîna chez Beethoven, et de leur effet sur le traitement musical (voir le passionnant entretien dans la plaquette d’accompagnement), le chef parvient ainsi à « rendre perceptible à quel point l’être humain peine à se tourner vers Dieu ».

Cela se traduit par des contrastes puissants, avec un respect extrême des innombrables sforzandi, comme des crescendi et decrescendi parfois vertigineux prescrits. Les tempi sont globalement allants, mais sans excès. Cela donne une Missa solemnis qui jamais ne s’enlise dans les longs passages contrapuntiques, animée d’une énergie sans relâche mais sans sécheresse.

Servi par une prise de son lui conférant une très bonne présence, le RIAS Kammerchor se montre aussi précis que valeureux. René Jacobs souligne, par ailleurs, que la Missa solemnis n’est pas une œuvre de solistes, dans le sens où rien n’y ressemble à un air pour briller. Il n’empêche que certains instants de sublime reposent bel et bien sur leurs épaules.

L’objectif nous semble atteint, mieux qu’avec certains quatuors plus prestigieux, non sans doute à coups de grands frissons purement vocaux, mais par l’équilibre, la cohésion et la probité d’un chant constamment surveillé.

THIERRY GUYENNE

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