Comptes rendus Le burlesque de retour à Pesaro
Comptes rendus

Le burlesque de retour à Pesaro

02/09/2020

Teatro Rossini, 17 août

Unique nouvelle production du Festival 2020, La cambiale di matrimonio aura bénéficié de moyens exceptionnels pour une œuvre de si petit format, sans doute liés à la coproduction avec le Royal Opera House de Mascate. À peine plus d’une heure dix pour cette intrigue à six personnages, auxquels le metteur en scène n’adjoint pas moins de cinq figurants… dont un ours, qui vient apporter une touche de fantaisie à un ensemble dominé par le registre burlesque.

Le décor à transformation et les luxueux costumes de Gary McCann évoquent la demeure d’un riche négociant londonien, dans les années 1810. Laurence Dale y joue, dans une approche très classique, sur le contraste entre le bourgeois anglais, ridiculement engoncé  dans ses préjugés, et la spontanéité de Slook, l’homme du Nouveau Monde, dont il fait un séduisant aventurier, plein de franchise et de vivacité, brillamment incarné par le jeune baryton Iurii Samoilov.

Lui répond la basse généreuse, à la faconde inépuisable, du Tobia Mill de grand format de Carlo Lepore, croqué dans le style du pater familias égocentrique et autoritaire, attardé dans une époque qui n’est pas la sienne. Leurs affrontements pleins de verve restent parmi les meilleurs moments de la soirée.

Dans le rôle d’Edoardo Milfort, l’amoureux transi, le ténor Davide Giusti ne brille ni par le style, ni par le timbre. La soprano Giuliana Gianfaldoni apporte à Fanni une voix fraîche, à l’aigu facile, mais ne parvient guère à donner une épaisseur psychologique à son personnage. La Clarina de la mezzo Martiniana Antonie forme, avec le Norton du baryton Pablo Galvez, un efficace couple de valets de comédie.

Le ténor Dmitry Korchak tient son nouveau rôle de chef d’orchestre avec beaucoup d’assurance. Il apporte à la première « farsa » rossinienne toute la vivacité qu’elle réclame, à la tête de l’Orchestra Sinfonica G. Rossini.

La cantate Giovanna d’Arco – donnée en première partie, en guise de complément de programme – paraît tout à fait incongrue. Cette œuvre de 1832 n’entretient aucun rapport avec la « farsa » vénitienne de 1810. Coincée devant le rideau de scène, la voix assez petite de la mezzo Marianna Pizzolato est étouffée par un dispositif qui, en mettant l’ensemble instrumental sur un plateau recouvrant l’orchestre, afin d’éviter la promiscuité de la fosse, prive son interprétation du moindre impact.

À vrai dire, dans de telles conditions, il aurait été préférable de donner la version originale pour piano plutôt que l’orchestration superflue de Salvatore Sciarrino (1989). L’excellente Daniela Pellegrino, en charge des récitatifs dans La cambiale di matrimonio, aurait pu en assurer l’accompagnement en toute authenticité et sûrement avec le même talent.

ALFRED CARON

PHOTO © STUDIO AMATI BACCIARDI

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