2 CD Ligia Lidi 0201358-21
Pauline Viardot a laissé près de deux cents mélodies. Après les anthologies de Karin Ott et Christoph Keller (CPO), Isabel Bayrakdarian et Serouj Kradjian (Analekta), Marina Comparato et Elsa Triulzi (Brilliant Classics), ou encore Ina Kancheva et Ludmil Angelov (Toccata), voici qu’à l’occasion du bicentenaire de la naissance de la compositrice, un bouquet d’enregistrements vient élargir notablement l’horizon.
Exemplaire, l’Intégrale des mélodies russes doit beaucoup aux recherches de Marie-Hélène Pierre. Mais aussi à l’engagement de Lamia Beuque, mezzo au timbre capiteux, sombre sans excès, à la voix longue (du la bémol au sol), soutenue dans le grave sans jamais poitriner, à l’aise dans le registre supérieur.
Native de Nevers, on croirait qu’elle a grandi sur les rives de la Volga. Laissant aux russophones le soin d’en juger, on se contentera d’affirmer que sa diction, souplement modulée, sonne russe, tant par la couleur de la voix (sans l’excessif vibrato et les intonations improbables des mezzos slaves d’autrefois) que par le style. Au point qu’on croit déceler d’illusoires prémonitions de Tchaïkovski, dont on n’a pas idée en écoutant les mêmes mélodies dans la traduction allemande proposée par Miriam Alexandra (voir plus loin).
Soigneusement conçue pour offrir à l’auditeur des contrastes de caractère, cette intégrale, gravée en studio, entre 2018 et 2020, a les attraits d’un cycle au fil duquel la richesse d’invention de la compositrice fait valoir les qualités et la personnalité de ceux qui la servent.
Glissé à mi-parcours, En chemin, dont l’insondable mélancolie désespèrerait Boris Cyrulnik, n’est pas de Pauline Viardot, mais d’Abaza. Outre l’éloquence si simplement juste de cette romance, c’est aux vers bouleversants de Tourgueniev qu’elle doit de trouver sa place ici, dans une interprétation d’autant plus émouvante qu’elle est contenue. Avec le soutien du pianiste Laurent Martin, l’éventail des nuances du vibrato de Lamia Beuque donne le frisson.
GÉRARD CONDÉ