Éléphant Paname, 27 janvier
Ce qui séduit le plus chez Karine Deshayes, outre son timbre chaleureux et mordoré, c’est son naturel. Pour ce 50e « Instant Lyrique », à Éléphant Paname, la chanteuse française, qui désormais semble se situer à cheval entre deux tessitures, a choisi de revisiter essentiellement son répertoire de mezzo.
À une exception près : l’air « des bijoux » de Faust. Certes, ce morceau de bravoure ne lui pose aucun problème en termes de tessiture et de virtuosité, mais il lui manque la légèreté et le brillant que lui donnerait une authentique voix de soprano.
Le programme s’ouvre sur trois célèbres mélodies de Duparc (L’Invitation au voyage, Chanson triste et Phidylé), où l’articulation du français et la subtilité des demi-teintes créent d’emblée l’intimité nécessaire au récital. Suivent trois romances de Verdi (In solitaria stanza, Ad una stella et Brindisi), qui gagneraient sans doute à un italien plus net. Mais, si le son prime au détriment du sens, le caractère y est pleinement.
C’est néanmoins dans les airs d’opéra – Ambroise Thomas, Gounod, Bellini et Donizetti – que Karine Deshayes donne toute la mesure d’une voix qui impressionne par sa longueur, même si l’extrême grave fait désormais défaut, comme le laissent entendre, çà et là, quelques sons plats. Si Mignon paraît un peu trop languide (« Connais-tu le pays »), l’interprète s’épanouit pleinement dans la noblesse tragique des adieux de Sapho (« Ô ma lyre immortelle »).
Mais c’est le bel canto romantique qui réserve le meilleur. D’abord dans une cavatine de Romeo (I Capuleti e i Montecchi) de grande classe, dont la cabalette laisse entendre un superbe mordant dans la vocalise et une extension remarquable vers l’aigu.
On apprécie ensuite la délicatesse de l’air d’entrée d’Elisabetta dans Maria Stuarda, dont le caractère rêveur laisse à penser qu’à l’instar d’une Janet Baker ou d’une Joyce DiDonato, Karine Deshayes pourrait bien, un jour, aborder le rôle-titre. On regrette simplement que la cabalette soit donnée sans sa reprise, sachant combien la chanteuse est douée pour les variations.
Pour les bis, c’est à la mélodie française (Delibes et Reynaldo Hahn) que revient Karine Deshayes, d’abord avec des Filles de Cadix enjouées et brillantes, suivies d’un élégant À Chloris. Le couronnement vient avec l’air d’Urbain dans Les Huguenots de Meyerbeer (« Nobles seigneurs, salut ! »), chanté avec tout le panache nécessaire.
Dans la mélodie comme dans l’opéra, Antoine Palloc se révèle un accompagnateur sensible, digne élève de son mentor Dalton Baldwin, disparu le 12 décembre dernier, auquel il a choisi, d’une voix étreinte par l’émotion, de dédier cette soirée.
ALFRED CARON
PHOTO © OLIVIA KAHLER