Comptes rendus Italiana déjantée à Clermont-Ferrand
Comptes rendus

Italiana déjantée à Clermont-Ferrand

24/01/2020

Opéra-Théâtre, 16 janvier

L’histoire se passe dans les années 1950, à Hollywood. Avant le début de la représentation, on diffuse dans la salle une musique jazzy, qui évoque les vieux cinémas du temps passé. Puis des balayeurs viennent nettoyer la scène, alors que commence l’Ouverture, un peu perturbée, c’est infiniment regrettable, par des paparazzi poursuivant des stars.

Or donc, un réalisateur nommé Mustafà tourne, avec une équipe italo-américaine, un film racontant l’histoire d’une Italienne à Alger. D’emblée, la transposition oblige à rectifier le livret d’Angelo Anelli. Ainsi, par exemple, quand Mustafà s’écrie, en voyant Isabella, « Oh che pezzo da sultano/Quel morceau pour un sultan ! », le surtitrage indique « Quel morceau digne d’Hollywood ! ». Parfois, le texte chanté est modifié, parfois seulement sa traduction. Et que faire de l’élément patriotique, qui fournit à Rossini sa plus belle inspiration, le sublime « Pensa alla patria » ?

En revanche, si l’on veut bien considérer que l’ouvrage est aussi (mais pas seulement) une comédie déjantée, le travail de Pierre Thirion-Vallet, pour la direction d’acteurs, est remarquable, tout comme l’ingénieux dispositif scénique de Frank Aracil : un  énorme projecteur de cinéma sur fond de bobines, qui se transforme en loge et pourra aisément voyager, lorsque le spectacle tournera un peu partout en France.

Cette Italiana – coproduction entre le Centre Lyrique Clermont Auvergne et la compagnie Opéra Nomade – nous aura permis de découvrir une Isabella de premier plan. En effet, Maria Ostroukhova est non seulement une actrice de fort tempérament, mais surtout une véritable contralto colorature au timbre magnifique, à l’aise dans le canto spianato de « Per lui che adoro », comme dans le style piquant et les pyrotechnies vocales de « Pensa alla patria », le tout avec humour et comme en se jouant. Une formidable révélation !

Autre heureuse surprise avec le Mustafà d’Eugenio Di Lieto, basse ronde, au grave impressionnant, plus noble que bouffe, en fait. On s’en plaindra d’autant moins qu’il joue avec dynamisme et drôlerie, mais sans excès.Joseph Kauzman incarne Lindoro avec délicatesse. C’est un ténor très léger, mais avec une émission saine et une vocalisation correcte, parfois en deçà des exigences techniques de sa partie.

En Taddeo, Rémi Ortega fait preuve d’un joli style, animé et vocalement séduisant, tandis que les comprimari sont distribués à des chanteurs d’une incontestable qualité. La soprano Sophie Boyer et la mezzo Anne-Lise Polchlopek ornent surtout les ensembles, mais le baryton Florian Bisbrouck séduit dans le charmant air d’Haly.

Comme souvent à Clermont-Ferrand, l’orchestre Les Métamorphoses est en fosse. Formation relativement restreinte (26 musiciens) mais très finement conduite par Amaury du Closel, qui allège le son en réduisant le vibrato des cordes, mais se montre surtout d’une grande précision, nécessaire à cette délicate mécanique d’horlogerie.

MICHEL PAROUTY

© YANN CABELLO

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