Comptes rendus Il barbiere di Siviglia à Orange
Comptes rendus

Il barbiere di Siviglia à Orange

27/08/2018

Théâtre Antique, 31 juillet

PHOTO : Florian Sempey, Olga Peretyatko, Ioan Hotea et Bruno De Simone.
© PHILIPPE GROMELLE

Ioan Hotea (Il Conte d’Almaviva)
Bruno De Simone (Bartolo)
Olga Peretyatko (Rosina)
Florian Sempey (Figaro)
Alexey Tikhomirov (Basilio)
Annunziata Vestri (Berta)
Gabriele Ribis (Fiorello)
Enzo Iorio (Ambrogio)

Giampaolo Bisanti (dm)
Adriano Sinivia (msd)
Enzo Iorio (dc)
Patrick Méeüs (l)
Gabriel Grinda (v)

C’était une gageure : la fine comédie de caractère dans le cadre des tragédies. Avant l’Ouverture, l’immense scène en proie à la fébrilité laisse entrevoir, outre une Fiat 500, une Vespa et une limousine -américaine des années 1950, un -ecclésiastique, un enfant de chœur, des centurions, des cameramen, des perchistes, tandis que parviennent les échos de variétés italiennes un rien criardes.

Nous assistons, par intrusion, au tournage -d’Il barbiere di Siviglia dans les studios mythiques de Cinecittà. Florian Sempey-Figaro, porteur de lunettes noires, plastronne entre deux prises de vue, tandis qu’à l’agitation régnante correspond, sur les gradins du Théâtre Antique, le mouvement d’éventails que suscite la canicule chez de réelles spectatrices. Un générique projeté sur l’illustre Mur annonce « un film di… ».

La mise en scène d’Adriano Sinivia – présentée à Lausanne, en 2009 (voir O. M. n° 43 p. 44 de septembre), et adaptée pour les Chorégies – reprend l’idée convenue du « théâtre dans le théâtre », transposée dans l’univers du cinéma. Cela entraîne une certaine dispersion au premier acte, puis la direction d’acteurs et la qualité de la distribution reconduisent à un Barbiere enlevé, enjoué, touchant.

Des moments de drôlerie alternent avec d’autres, plus poétiques : la pluie d’orage figurée par la vidéo de Gabriel Grinda, la vision quasi picturale d’une Cène pour le repas des noces, grâce aux lumières de Patrick Méeüs… On regrette parfois, en revanche, l’inadéquation entre ce qui se voit et ce qui s’entend, comme lorsqu’une fanfare municipale (cuivres et grosse caisse) est censée accompagner l’aérienne cavatine d’Almaviva.

Une plaisante connivence règne néanmoins entre l’équipe des cinéastes et les acteurs du « melodramma buffo », dont l’auteur s’est ingénié à organiser de vrais moments de folie collective. Ainsi Enzo Iorio, réalisateur des décors et des costumes, campe-t-il un Ambrogio très présent.

L’exécution musicale transcende ce qu’il peut y avoir d’agité dans un tel foisonnement. L’Orchestre National de Lyon, les Chœurs des Opéras d’Avignon et de Monte-Carlo, offrent une perfection qui respecte la légèreté requise par Rossini. Giampaolo Bisanti anime l’action avec verve et rigueur, dans des tempi toujours justes et soucieux des chanteurs.

Dans son ensemble, la distribution convient au propos. Florian Sempey, voix projetée avec autorité dans le vaste espace, articule, vocalise dans ses deux grands duos, virevolte et emporte le vaudeville final. Olga Peretyatko aborde la version originale pour mezzo (à l’exception de la cavatine « Una voce poco fa », transposée de mi à fa) en ornant avec une virtuosité jamais gratuite, respectueuse de la profondeur.

L’héroïne, dont la grâce mutine va de pair avec la résolution et la dignité, reste l’impeccable rossinienne formée à l’école de Pesaro, grande technicienne qui maintient l’homogénéité vocale en évitant d’appuyer le médium et de lancer trop vivement l’aigu. « Contro un cor » mérite sa qualification : c’est une leçon de chant.

À 28 ans, le ténor roumain Ioan Hotea assume la lourde tâche de remplacer Michael Spyres, souffrant. S’il ne commence pas très juste, il finit par laisser porter un aigu facile, qu’il gardera si on lui évite L’Africaine et La Damnation de Faust. Pourquoi, au terme d’une prestation somme toute convenable, faut-il ajourner l’heureux dénouement par le très long « Cessa di più resistere » ? Une précaution utile l’aurait abandonné à La Cenerentola...

Alexey Tikhomirov, Basilio qui s’est fait la tête de Michel Simon dans Boudu sauvé des eaux, dispose d’une voix importante, pas toujours en accord avec l’orchestre. Bruno De Simone, rompu à l’art rossinien, compose un Bartolo jamais forcé. Le personnage va très au-delà du barbon habituel.

Constamment en scène, Annunziata Vestri orne son aria « Il vecchiotto cerca moglie » avec souplesse. À ce moment, Berta dénoue son strict chignon de servante et laisse tomber une chevelure de jais le long de la tour. Le rôle de Fiorello reçoit un relief inattendu par la voix de baryton-basse de Gabriele Ribis.

Voilà le défi relevé pour la plus grande joie de tous.

PATRICE HENRIOT

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