Basilique Notre-Dame, 23 juillet
Quelque peu empêché en Jupiter de Semele, le week-end précédent, Matthew Newlin peut, sans difficulté, laisser son legato s’exprimer en Tamino. Le ténor américain est l’un des triomphateurs de cette tellurique Zauberflöte, dirigée avec passion par un Jérémie Rhorer qui achève la soirée au bord de l’épuisement.
Poursuivant, avec Le Cercle de l’Harmonie, sa remarquable exploration des opéras de Mozart sur instruments d’époque, le chef offre de la bible maçonnique une lecture qui a pu décontenancer, tant la puissance des cuivres, magnifiques, et l’alacrité des cordes imposent une vision monumentale. Elle culmine dans la scène initiatique, comme dans la tranquille plénitude des solos de flûte.
Riccardo Novaro, acteur bonhomme et baryton bienveillant, joue à fond un Papageno contrastant avec l’aristocratique Matthew Newlin, au timbre si lumineux. Christina Poulitsi emporte les deux airs de la Reine de la Nuit, même si on la devine un peu trop réserver ses forces avant les acrobaties attendues.
Luigi De Donato est un Sarastro souvent écrasé par l’intensité orchestrale. En revanche, et en quelques minutes, le caverneux Orateur de Guilhem Worms s’affirme la révélation de la soirée. On l’aurait presque rêvé en Sarastro, tant la projection et la beauté de la voix sidèrent. Il y a du Nicolas Courjal dans cette noire élégance.
Elena Galitskaya, également Deuxième Dame, endosse Papagena avec humour et légèreté. Elle forme, avec Gwendoline Blondeel et Mélodie Ruvio, un impeccable trio d’intrigantes. Maxime Melnik est un Monostatos parfaitement teigneux. Quant à Mari Eriksmoen, intime autant que lumineuse, sa Pamina oscille entre innocence et pugnacité, avec des intonations évoquant parfois le souvenir de Pilar Lorengar dans le même rôle.
Au jeu des madeleines musicales, cette lecture rutilante n’est d’ailleurs pas sans rappeler celle de Georg Solti pour Decca, en 1969. Jérémie Rhorer signe une interprétation qui, si elle venait à être enregistrée, pourrait devenir, elle aussi, un incontournable de la discographie du chef-d’œuvre mozartien.
VINCENT BOREL
PHOTO © GABRIEL BALAGUERA