Comptes rendus Fidelio prenant à Metz
Comptes rendus

Fidelio prenant à Metz

13/06/2021

Opéra-Théâtre, 4 juin

Sur le rideau de scène s’impose un couloir muré, vaste tunnel éclairé par un soupirail, la perspective offrant comme des rayons de soleil : entre ombre et lumière, l’emprisonnement et l’espoir de liberté ne cesseront de guider le travail mené par Virgile Koering. Sa vidéo dessine des entrelacs de cubes fortifiés, rivetés, véritables murs-boucliers créant des bâtisses terrifiantes puis, à mesure que la vidéo recule, laissant place à un passage étroit vers cet un horizon dégagé.

Imaginé par le metteur en scène Paul-Émile Fourny et le créateur lumières Patrick Méeüs, un décor rugueux complète, plateau couvert de boue et de poussière, baigné de noir, où s’insèrent l’imposant bureau de Rocco, ainsi que quelques éléments d’intérieur créant l’illusion d’une vie possible, celle, en tout cas, dont rêvent Jaquino et Marzelline. À ce cauchemar carcéral parfaitement rendu, répond la vision, plus conventionnelle, d’une police politique habillée de longs manteaux de cuir noir, agitant des matraques menaçantes.

Celle-ci officie sous la houlette d’un Don Pizarro répugnant, dont la carrure fait à elle seule frémir. Le voici prenant à Marzelline une poupée, pour la jeter d’un geste plein de morgue dans une oubliette. Au II, Florestan gît au milieu de dizaines de ces poupées, désarticulées, éparpillées sur le sol ou accumulées le long des murs, comme un ossuaire sédimenteux. Image saisissante !

Mesures sanitaires obligent, l’Orchestre National de Metz occupe non seulement la fosse (cuivres, bois…), mais aussi le devant de la salle, où se trouvent les cordes. On craint un rideau sonore défavorable aux voix. Il n’en est rien, David Reiland veillant à conserver rigoureusement l’équilibre, avec quelques indications de modération à ses instrumentistes.

Si cette disposition se traduit parfois par quelques décalages, la lecture d’ensemble est stimulante, d’une lenteur et d’une solennité qui pourraient frôler la pesanteur mais, bien au contraire, par la tension accumulée, elles rendent à la musique toute sa vigueur brûlante et charnelle.

Le distribution est satisfaisante, comme en témoigne la vivacité du couple Jaquino/Marzelline, formé par Yu Chen et Léonie Renaud. Martial et impavide, Stefano Meo impose son Don Pizarro avec force, grâce à une voix bien projetée, au timbre d’une noirceur réjouissante. En Don Fernando, Thomas Gazheli compense une moindre puissance par la musicalité et l’humanité du propos. Franz Hawlata compose un Rocco très fouillé, aux troubles et ambiguïtés mis en relief avec beaucoup de conviction. La voix est alerte, sonore, riche en nuances.

Sous un bonnet qui masque longtemps sa chevelure, la soprano néerlandaise Deirdre Angenent propose une Leonore solidement campée, mais parfois en difficulté avec les exigences du rôle. Son grand air du I est ainsi peu assuré. En revanche, elle offre, avec Kristian Benedikt, un duo du II de toute beauté. En Florestan, le ténor lituanien affirme la luminosité du timbre et un sens aigu du personnage, mais la voix souffre d’un léger vibrato qui obscurcit l’émission.

Réserves mineures, au regard d’une soirée très réussie, qui permet  à l’Opéra-Théâtre de Metz Métropole de reprendre contact avec son public, même en jauge réduite. En attendant la saison prochaine, riche de nouvelles productions.

JEAN-MARC PROUST

PHOTO © OPÉRA-THÉÂTRE DE METZ MÉTROPOLE/LUC BERTAU

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