Comptes rendus Fastueuse nuit verdienne à Orange
Comptes rendus

Fastueuse nuit verdienne à Orange

08/08/2021

Théâtre Antique, 24 juillet

Le 24 juillet 2021 fera date dans la glorieuse histoire des Chorégies. À la place d’un concert avec les chœurs et l’orchestre de la Scala de Milan, empêché par le contexte sanitaire et reporté à l’été 2022, Jean-Louis Grinda a réussi l’exploit de programmer, en l’espace de trois mois, une mémorable « Nuit verdienne ».

Roberto Alagna, enfant chéri du public, est un invité régulier de la manifestation depuis 1993. Deux artistes font leurs débuts in loco :  le chef russe Konstantin Chudovsky, révélé à l’Opéra de Monte-Carlo, en avril 2021, dans la version originale de Boris Godounov, et son compatriote Ildar Abdrazakov, la première basse verdienne actuelle. Avec eux, Ludovic Tézier, familier d’Orange, mais jamais encore dans Verdi, que le baryton français chante partout dans le monde. Quelque chose de réparé, quelque chose de confirmé, pour un succès populaire exceptionnel.

Confiées au magnifique Orchestre National de Lyon, les Ouvertures des Vêpres siciliennes et de La forza del destino enchantent par la justesse des tempi, la perfection du phrasé, la précision des pupitres (cordes, clarinette). Le solo de violon d’I Lombardi et, plus encore, le Prélude de Macbeth délivrent la musique pure et inséparablement dramatique.

L’air de Don Alvaro dans La forza del destino (« La vita è inferno all’infelice… O tu che in seno agli angeli »), puis son duo avec Don Carlo (« Solenne in quest’ora »), conviennent à l’aisance vocale de Roberto Alagna, ainsi qu’à son évidente connivence avec Ludovic Tézier. La fougue, la puissance d’Ildar Abdrazakov révèlent à une bonne partie du public que, dès Oberto (« Ei tarda ancor… L’orror del tradimento »), il n’y a pas de « jeune Verdi », mais l’art unique d’empoigner l’auditeur.

Dans Attila, le duo entre le roi des Huns et le général romain Ezio (« Tardo per gli anni, e tremulo »), merveilleusement servi par Ildar Abdrazakov et Ludovic Tézier, communique toute l’ardeur du « Risorgimento ». Roberto Alagna séduit en Rodolfo de Luisa Miller (« Quando le sere al placido ») ; après un boulevervant Rigoletto (« Cortigiani »), Ludovic Tézier est un grandiose Don Carlo d’Ernani (« Oh, de’ verd’anni miei »).

Les extraits de Don Carlos permettent d’entendre le ténor et le baryton – avec l’appoint luxueux d’Ildar Abdrazakov en Moine ! – dans « Ei voleva regnare sul mondo… È lui ! desso… Dio, che nell’alma infondere »). On retrouve la basse dans le monologue de Philippe II (« Ella giammai m’amo ! »), qui plonge tout un chacun dans un silence recueilli.

À la gravité sublime succède le temps des bis. Ildar Abdrazakov, avec la gestique complice du chef et du violon solo « tzigane », pour Les Yeux noirs. Ludovic Tézier, dont La Quête, celle de Jacques Brel, est d’« atteindre l’inaccessible étoile » – quête exaucée. Et Roberto Alagna qui entraîne, pour Funiculi, Funiculà, non seulement ses partenaires et le public enchanté, mais aussi la petite Malèna (7 ans), qui vient sur scène partager l’enthousiasme général.

PATRICE HENRIOT

PHOTO © PHILIPPE GROMELLE ORANGE

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