Théâtre du Capitole, 23 octobre
Par choix et par nécessité, c’est une Pénélope « allégée » qu’a présentée le Théâtre du Capitole. Au parti pris initial se sont ajoutées des contraintes nouvelles, liées à la pandémie. Une seule représentation (à 18 h), une version de concert (avec accompagnement de piano), pas de chœurs, quelques coupures (les danses du premier acte, par exemple), afin de ne pas terminer la soirée au-delà des horaires prescrits et, bien sûr, une répartition prudente des spectateurs dans la salle.
À ce régime-là, on aurait pu craindre que, de l’unique opéra de Fauré (Monte-Carlo, 1913), il ne reste plus qu’un fantôme sans âme. Il n’en a rien été, heureusement. L’engagement et le talent de tous les interprètes ont su transformer en atouts ce qui, au départ, risquait d’apparaître comme autant de handicaps. Mise à nu, d’une certaine manière, l’œuvre n’en paraissait que plus belle, plus émouvante aussi dans son ardent classicisme.
Maître d’œuvre du concert, Anne Le Bozec va à l’essentiel, soucieuse à chaque instant de respecter la ligne ténue qui relie ces trois actes, tout en en conservant la variété de couleurs. Discrète et tenace, la pianiste française sait guider les chanteurs sans jamais leur porter ombrage. Énergique et subtile, elle libère le récit de toute monotonie.
De longs débats, on le sait, ont porté sur la part que Fauré avait prise dans l’orchestration de son opéra. Sans aller jusqu’à privilégier cette version « originale » pour piano (le compositeur l’a-t-il jamais voulue ainsi ?), force est de reconnaître qu’elle ne manque pas de pertinence.
En aurait-il été de même sans la présence d’une excellente équipe de chanteurs, tous sachant – et c’est important ici – s’exprimer dans un français impeccable ? Dans le rôle-titre, Catherine Hunold s’impose avec autant d’énergie que de sensibilité. Le ton est royal, comme il convient, mais l’émotion, la fragilité passagère, les hésitations parfois, sont aussi perceptibles dans ce chant de haute école, auquel on reprochera à peine la stridence excessive de quelques aigus.
Défaut que l’on retrouve chez le ténor espagnol Airam Hernandez qui, dans une langue aussi parfaite que celle de ses partenaires, sait exprimer, avec chaleur et justesse, la détermination d’Ulysse. À la nourrice Euryclée, Anaïk Morel offre un beau timbre de contralto, tandis que Frédéric Caton, avec une certaine rudesse d’accents, affiche la fidélité inaltérée du berger Eumée.
Il faudrait citer ici, un par un, tous les autres interprètes de cette Pénélope, redire combien leur chant est juste, combien il sait être à la fois noble et naturel. Contentons-nous d’accorder une mention spéciale à Mathias Vidal, Antinoüs spontané, vif, juvénile, bien éloigné des afféteries que certains – au disque, en particulier – imposaient à ce rôle.
PIERRE CADARS
© PATRICE NIN