Palais Garnier, 28 mars
Esthétiquement, cette production n’avait guère convaincu, lors de sa création dans ce même théâtre, en juin 2018 (voir O. M. n° 141 p. 63 de juillet-août). Rien n’a changé : les décors style années 1950 sont toujours aussi insignifiants, et les costumes toujours aussi moches ; la mise en scène, lourdaude et tape-à-l’œil, est encombrée d’une vidéo superflue. Pour l’élégance et le chic, on repassera, d’autant que le propos de Damiano Michieletto, résolument farceur, demeure bien superficiel, à un soupçon de cynisme près.
La partie musicale, en revanche, est en grande partie renouvelée, et les comparaisons sont inévitables. Moins métronomique qu’Evelino Pido, Michele Mariotti, que les Parisiens avaient découvert à l’Opéra Bastille, en 2013, dans I puritani, laisse respirer la musique, en respecte à la fois le dynamisme et le lyrisme. Vivante et chaleureuse, sa direction possède un atout qu’ignore la mise en scène : la classe.
Michele Pertusi incarne, une fois encore, un Don Pasquale drôle et touchant, avec des moyens vocaux aujourd’hui limités, compensés par une connaissance intime de ce répertoire. Mais que dire de Christian Senn, adroit comédien, comme l’exige Malatesta, peu aidé par un chant qui ne cesse de faire un mauvais sort à la moindre virtuosité ? Inutile de l’écraser sous le souvenir de Florian Sempey.
Pretty Yende est une Norina plus piquante que Nadine Sierra. La voix est conduite avec goût, brillante, lumineuse, charmeuse – et elle sait user de ce charme –, mais les couleurs sont peu variées et l’expression limitée, qui se contente d’un premier degré rassurant.
Bien plus intéressant, Javier Camarena, le ténor qui compte actuellement dans ce genre d’emplois. Affublé d’oripeaux à peine dignes du pire décrochez-moi-ça, il réussit pourtant à composer un Ernesto juvénile, ado prolongé qui attire immédiatement la sympathie.
Un souffle parfaitement maîtrisé, une émission haute, qui ne faiblit pas devant l’aigu et le suraigu, une ligne musicale soignée, un sens des nuances et de la dynamique, fruit d’un travail précis et constant, un timbre qui peut être aussi doux que percutant… Voilà des qualités précieuses, qui ont fait de « Com’è gentil » un bien joli moment. Souhaitons-lui de les conserver longtemps.
MICHEL PAROUTY
PHOTO © OPÉRA NATIONAL DE PARIS/SÉBASTIEN MATHÉ
Représentations les 30 mars, 2, 6, 10, 13 et 16 avril.