Salle Favart, 6 novembre
PHOTO © IKO FREESE/DRAMA-BERLIN.DE
Wenwei Zhang (Sarastro, Sprecher)
Tansel Akzeybek (Tamino)
Christina Poulitsi (Königin der Nacht)
Vera-Lotte Böcker (Pamina)
Nina Bernsteiner (Erste Dame)
Gemma Coma-Alabert (Zweite Dame)
Nadine Weissmann (Dritte Dame)
Dominik Köninger (Papageno)
Martha Eason (Papagena)
Johannes Dunz (Monostatos)
Kevin John Edusei (dm)
Barrie Kosky, Suzanne Andrade, Paul Barritt (msv)
Esther Bialas (dc)
Diego Leetz (l)
Créée au Komische Oper de Berlin, en 2012, cette mise en scène de Barrie Kosky, coréalisée avec le collectif 1927 – formé par Suzanne Andrade (écrivain et comédienne) et Paul Barritt (artiste d’animation et illustrateur) –, est devenue quasi mythique, après avoir beaucoup tourné. Jamais donnée en France, elle vient de faire son entrée à l’Opéra-Comique.
Son originalité est d’intégrer les interprètes à un astucieux système vidéo, chaque chanteur devant se confronter aux exigences de l’image, qui les fait apparaître et disparaître, courir ou s’envoler, selon une technique parfaitement maîtrisée et efficace.
Esthétiquement, ce travail fait surtout référence au cinéma expressionniste allemand des années 1920 : on songe au Fritz Lang de Metropolis (les animaux-robots aux rouages complexes) et à Murnau (Monostatos en Nosferatu). Mais il convoque aussi Buster Keaton (Papageno), Louise Brooks (Pamina) ou Walt Disney (les éléphants roses envahissant l’écran). Tout cela est à la fois drolatique et fantasque, comme la Reine de la Nuit transformée en araignée géante, ou les Génies devenus des papillons.
Le charme agit (une libellule remplace la flûte et essaime des notes en son envol), et l’on ne s’ennuie guère. Par ailleurs, Barrie Kosky et ses comparses ont supprimé les dialogues parlés, résumés par des cartons désuets comme dans les films muets, et effectué des coupures (le duo n° 11 « Bewahret euch vor Weibertücken », par exemple).
Il y a évidemment des moments où la machine se fige, en particulier lors des airs de Tamino et Pamina, et quelques effets paraissent répétitifs. On peut aussi regretter qu’en refusant toute interprétation philosophique ou politique (encore que l’omniprésence d’un œil géant fasse penser à un Big Brother bienveillant), cette Zauberflöte se réduise à une simple fantaisie, brillante mais un peu vaine. Mais comment ne pas être séduit par une démonstration technique aussi époustouflante ?
La direction nerveuse de Kevin John Edusei épouse l’aspect visuel du spectacle, avec un orchestre du Komische Oper aux couleurs contrastées, aux tutti explosifs (l’Ouverture !), aux bois agiles et aérés. Côté chant, c’est bien à une troupe que nous avons affaire, avec sa cohésion, son implication totale dans les exigences scéniques, mais aussi ses inévitables disparités vocales.
Dans la distribution que nous avons entendue (une autre est programmée en alternance), quelques réserves peuvent être faites : un Papageno prosaïque, un Tamino guère mozartien, un Sarastro dénué de sous-grave, une Reine de la Nuit aux vocalises impeccables, mais qui, dans les passages lents, a tendance à attaquer les notes par en dessous…
En contrepartie, il y a un flamboyant Monostatos et, plus encore, une magnifique Pamina : Vera-Lotte Böcker ajoute à une projection vocale puissante, des aigus filés remarquables et une théâtralité très émouvante. Quant aux membres du Tölzer Knabenchor, ils confirment qu’ils sont irremplaçables dans toute Zauberflöte digne de ce nom.
En tout cas, il était indispensable que nos compatriotes puissent enfin profiter de cette production sans équivalent, destinée à un public de 7 à 77 ans, et au-delà.
JEAN-LUC MACIA