Comptes rendus Cosi inégal à Toulouse
Comptes rendus

Cosi inégal à Toulouse

01/10/2020

Théâtre du Capitole, 26 septembre

Le Théâtre du Capitole aura donc été parmi les tout premiers à rouvrir en n’offrant pas que des ersatz : l’orchestre est dans la fosse, les chanteurs sur scène, et au contact, et les spectateurs, avec masques, dans la salle.

La reprise telle quelle de la production du Slottsteater de Drottningholm – vue à l’Opéra Royal de Versailles, en novembre 2017 (voir O. M. n° 135 p. 55 de janvier 2018) – était bien pensée : petit nombre d’acteurs et absence de machinerie, avec simple installation des tréteaux sur le plateau. On ne peut que célébrer à nouveau la beauté des décors et costumes d’Antoine Fontaine, comme celle des éclairages de Tobias Hagström Stahl, l’ingéniosité du parti d’ensemble, placé sous le signe du jeu de cartes, et maintes trouvailles qui font mouche, même si la mise en scène d’Ivan Alexandre ne cherche pas à interroger les données troubles du livret.

La reconversion de la distribution prévue pour Les Pêcheurs de perles, avec du coup plusieurs prises de rôles, pose en revanche des problèmes. Pas vraiment pour le Don Alfonso de Jean-Fernand Setti, dessiné à grands traits, mais dont la stature monumentale répond aux solides assises de la voix, comme à un personnage qui observe et protège de sa hauteur, plus qu’il ne manipule avec cynisme.

De même pour la Despina classiquement piquante de Sandrine Buendia, déliée à souhait et dont le léger nasillement est en situation. Alexandre Duhamel donne un Guglielmo généralement réjoui et truculent, mais explosant sans retenue à l’annonce de la trahison de Fiordiligi.

On attendait avec curiosité Mathias Vidal, qui apporte de fait une beauté de timbre supérieure, idéalement celle d’un ténor mozartien. Et le jeu, comme toujours intense, impose un Ferrando mordant et véhément de qualité. Manque, pourtant, la parfaite maîtrise du style : sans suffisamment de legato, assez heurté même, « Un’aura amorosa », malgré de beaux piani, laisse sur ce plan encore à désirer.

À côté de la Dorabella de Julie Boulianne, bien contrastée, et de timbre adéquat, reste le cas embarrassant d’Anne-Catherine Gillet. Le duetto d’entrée (« Ah, guarda, sorella ») inquiète par sa crudité et sa dureté. La vocalisation sera ensuite parfaite, mais c’est la nature de la voix qui est en question. La chanteuse évoque elle-même « une écriture plus charnue, avec plus de médium » que les Susanna et Despina déjà abordées : c’est bien là que le bât blesse.

Malgré un valeureux engagement manquent par trop les graves, comme la sensualité du timbre. Et, de fait, dans le récitatif en particulier, on a parfois l’impression d’entendre Despina. « Come scoglio » est, à cet égard, particulièrement frustrant : ce n’est sans doute pas là un chemin à poursuivre.

Après Salzbourg, en août, avec Joana Mallwitz (voir O. M. n° 165 p. 57 d’octobre 2020), second chef féminin pour l’œuvre : « Cosi fan tutte » ? Pas vraiment, car Speranza Scappucci n’assure qu’une lecture prudente, souvent trop prosaïque même. Manque, finalement, à l’ensemble aussi bien l’homogénéité que le souffle porteur des représentations initiales.

FRANÇOIS LEHEL

PHOTO © MIRCO MAGLIOCCA

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