Grande soirée que la version de concert de La Vestale de Spontini proposée hier, mercredi 22 juin, au Théâtre des Champs-Élysées. Seul regret : l’absence de mise en scène, particulièrement dommageable dans le grandiose finale du premier acte, qui paraît interminable sans «le cortège» et «les jeux, les danses, les combats de lutteurs et de gladiateurs» décrits par le menu dans le livret.
Pour le reste, Christophe Rousset, à la tête de Talens Lyriques en grande forme et d’un éblouissant Chœur de la Radio flamande, trouve le juste équilibre, dans cette «tragédie lyrique», créée à Paris, en 1807, entre l’héritage de Gluck et les fulgurances à venir de Berlioz (les deux compositeurs auxquels on pense le plus en écoutant La Vestale). Quant à la distribution, elle est la plus adéquate et homogène jamais réunie dans l’ouvrage depuis le XIXe siècle.
Même si l’on est de ceux que la couleur de voix très particulière et l’émission tubée d’Aude Extrémo irritent, il faut s’incliner : sa Grande Vestale est impressionnante d’autorité et d’aisance, dans une tessiture de mezzo-contralto aux frontières de l’inchantable. Nicolas Courjal est saisissant en Grand Pontife, avec ce mélange de noirceur et de noblesse qui fait toujours le prix de ses incarnations maléfiques. Tassis Christoyannis déborde de facilité et d’élégance en Cinna, tandis que Stanislas de Barbeyrac, dans un rôle de ténor invraisemblablement grave, se montre de bout en bout souverain, tragédien lyrique autant que héros romantique, comme Licinius l’exige.
Marina Rebeka, enfin, relevant le défi de l’un des plus beaux emplois de l’opéra français, campe une Julia très proche de l’idéal. Elle chante tellement bien, en se jouant de tous les pièges d’une écriture meurtrière, qu’on finit par oublier le flou qui entoure parfois sa diction, surtout comparée à celle de ses partenaires, d’une netteté exemplaire. La touchante simplicité et l’intensité de ses accents tirent les larmes dans un sublime «Ô des infortunés déesse tutélaire !» (plus connu dans sa traduction italienne, «O nume tutelar», immortalisée au disque par Rosa Ponselle et Maria Callas).
On attend maintenant avec impatience la sortie, aux éditions du Palazzetto Bru Zane, de l’enregistrement de studio réalisé pendant les jours précédant le concert. La Vestale tiendra enfin sa version de référence !
RICHARD MARTET