Concerts et récitals Intime Resurrezione à Saint-Denis
Concerts et récitals

Intime Resurrezione à Saint-Denis

02/07/2024
© Festival de Saint-Denis/Christophe Fillieule

Basilique Cathédrale, 13 juin

On est toujours ébloui devant l’inventivité déployée par le jeune Haendel au cours de son séjour italien (1706-1710), et La Resurrezione (La Résurrection) en est un des exemples les plus extraordinaires. C’est une œuvre que Julien Chauvin connaît très bien, puisqu’il était premier violon du Concert d’Astrée, lors de la tournée dirigée par Emmanuelle Haïm, en 2009 – dont témoigne un enregistrement capté en public, au mois d’avril, à l’Opéra de Lille (Virgin Classics/Erato).

C’est d’ailleurs, à certains égards, une lecture de violoniste qu’offre le fondateur du Concert de la Loge, ponctuant son interprétation de plusieurs belles cadences, et recherchant davantage la délicatesse des phrasés et de fines nuances que de puissants contrastes.

Le chef français a, significativement, choisi de ne pas ajouter de timbales à son orchestre, dont les instruments les plus brillants – trompettes, mais aussi hautbois – sont placés, assez discrètement, en arrière du podium, la viole de gambe (magnifique Atsushi Sakai !) se trouvant au tout premier rang. On gagne en intimité, pour les scènes des personnages humains, ce que l’on perd en éclat, notamment pour la première intervention d’Angelo (l’Ange).

Pour le Festival de Saint-Denis, Julien Chauvin a, par ailleurs, tenu à présenter l’oratorio dans une version mise en espace par Olivier Simonnet. On voit ainsi, pendant l’Ouverture, le ténor Emiliano Gonzalez Toro, tel un prêtre préparant son spectacle paroissial, distribuer partitions et chasubles aux trois chanteuses (deux sopranos et une mezzo), puis au baryton-basse retardataire, qu’il réprimande gentiment. Avouons que cette pantomime nous place dans un registre de comédie qui, pendant les premiers moments du concert, nous met un peu à distance du sujet.

En accord, sans doute, avec la conception du chef, l’Angelo de Julie Roset surprend, en ne faisant pas de son « Disserratevi, o porte d’Averno » initial, un feu d’artifice de variations et suraigus. Mais c’est pour mieux déployer, dans ses airs suivants, une générosité simple et des phrasés soignés.

Si, face à elle, le Lucifero (Lucifer) au look grunge de Robert Gleadow ne manque pas de présence, il est mis à rude épreuve par une tessiture redoutable, craquant plus d’un aigu et à court d’extrêmes graves, sans parler de vocalises parfois approximatives.

Du côté des humains, si Emiliano Gonzalez Toro offre un Giovanni (Jean l’Évangéliste) plein de naturel dans des phrasés clairement hérités du Seicento, dont il est spécialiste, il recourt un peu trop, dans la longue nef de la Basilique Cathédrale, à une émission très allégée et mixée.

Au contraire, Emöke Barath déploie son soprano, toujours sûr et franchement projeté, en Maddalena (Marie Madeleine) – en se laissant peu à peu gagner, au fil de leurs beaux duos, par la profonde expressivité de la remarquable Cleofe (Marie Cléophas) de Lucile Richardot.

La mezzo française est, en effet, l’élément le plus intéressant de la distribution, son effort de chanter par cœur la plus grande partie de ses scènes ne contribuant pas peu à l’émotion de ses interventions. Elle assume fort bien cette tessiture destinée à un castrat alto particulièrement grave, et son timbre très personnel fait merveille.

THIERRY GUYENNE

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